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propos d’un philosophe célèbre, nous dit que « sa parole exerçait une séduction voisine de la magie, que la douceur, la suavité, florissaient dans ses discours, qu’elles se répandaient avec tant de grâce que ceux qui écoutaient sa voix, s’abandonnant eux-mêmes comme s’ils eussent goûté la fleur du lotus, restaient suspendus à ses lèvres. » Mais si ce souci de l’éloquence, qui leur est commun, et le goût qu’ils ont tous d’en donner des représentations publiques, où leurs disciples et leurs amis sont appelés à les applaudir, peut les faire confondre, en regardant de plus près, on aperçoit entre eux des différences importantes : il y a ceux qui ne sortent pas de l’enseignement de la rhétorique proprement dite, et ceux qui y joignent l’étude de la philosophie. Ce qui est surtout curieux, c’est que, païens les uns et les autres, ils ne le sont pas tout à fait de la même façon. Libanius peut être regardé comme le meilleur représentant du premier groupe. C’est assurément un païen convaincu, qui fréquente les temples, qui fait des sacrifices, qui consulte Esculape sur ses maladies et se recommande aux prières des hiérophantes. Il gémit doucement quand le culte qu’il préfère est persécuté, et, quoique de sa nature il soit timide et soumis, il a l’audace d’en prendre la défense. Lorsque ce culte triomphe avec Julien, sa joie éclate et déborde. « Nous voilà, dit-il, vraiment rendus à la vie ; un souffle de bonheur court par toute la terre, maintenant qu’un Dieu véritable, sous l’apparence d’un homme, gouverne le monde, que les feux se rallument sur les autels, que l’air est purifié par la fumée des sacrifices ! » Mais cette religion qu’il aime, qu’il célèbre, qu’il est si heureux de voir renaître, c’est l’ancienne, c’est la religion calme, sage, officielle dont les cités grecques se sont contentées pendant tant de siècles ; il la conserve pieusement en souvenir du passé et n’éprouve pas le besoin d’y rien changer. Les philosophes au contraire y ajoutent beaucoup de nouveautés. Porphyre et Jamblique faisaient des miracles ; leurs disciples sont des illuminés, qui ne se contentent plus de prier les dieux en employant les formulés verbeuses des anciens rituels et qui veulent communiquer directement avec eux par l’extase. On raconte d’eux des prodiges étranges. « On dit que, quand ils prient, ils semblent s’élever du sol à plus de dix coudées, et que leurs corps, comme leurs vêtemens, prennent une éclatante couleur d’or. » Ils invoquent familièrement les démons et les génies et les forcent à leur apparaître. Ils pratiquent surtout la divination sous toutes ses formes, et c’est la principale raison de leur succès, car jamais on n’a souhaité plus passionnément de lire dans l’avenir. Malgré les défenses terribles de la loi, tout le monde veut connaître sa destinée ; les supplices dont on punit les devins et ceux qui les consultent ne font qu’en accroître le nombre. Voilà ce qui attire dans les écoles de