corps des parens s’en détache sous forme de gemmule, d’œuf ou de fœtus, le sacrifice matériel est évident ; lorsque la mère fournit le lait qui fait croître l’enfant, on ne peut mettre en doute qu’il y a là aussi un sacrifice matériel. « Mais, quoique le sacrifice matériel ne soit pas manifeste lorsque les bienfaits dont profitent les enfans ou d’autres êtres consistent dans un emploi de notre activité en leur faveur, cependant, comme on ne peut accomplir aucun effort sans une dépense équivalente du tissu, et comme la perte corporelle est proportionnée à la dépense qui a lieu, sans remboursement de la chair consumée, il s’ensuit que les efforts pour rendre service représentent une perte de substance corporelle. » Ainsi M. Spencer voit dans la génération et dans les autres formes de l’altruisme une dépense de vie, plutôt qu’un surplus de vie et un prolongement de l’être. Ces deux points de vue n’ont d’ailleurs rien d’incompatible : en les réunissant, nous croyons qu’on obtient une explication complète et vraiment positive de l’altruisme dans ses origines physiologiques.
Si le positivisme français a bien mis en lumière une des principales racines de l’altruisme dans l’organisation même de l’être vivant, il nous semble inférieur à l’école anglaise dans la question suivante : — Quels sont les rapports de l’égoïsme et de l’altruisme ? Le second est-il une force entièrement distincte du premier, ou en est-il sorti par voie d’évolution ? — L’école positiviste nous laisse en présence des deux tendances primordiales de l’être sans paraître tenir beaucoup à chercher l’unité sous cette dualité. On sait d’ailleurs que le positivisme se défie de l’unité et des procédés de synthèse par lesquels on l’obtient ; il n’aime pas qu’on veuille ramener un ordre de choses à un autre, surtout un ordre supérieur à l’inférieur : c’est même dans cette réduction du supérieur à l’inférieur qu’il fait consister essentiellement le matérialisme, suspect à ses yeux comme le spiritualisme. Aussi, tout en parlant d’évolution, il est peu favorable aux idées de transformisme, et conséquemment au darwinisme. S’en tiendra-t-il donc en morale à ces deux faits bruts : — l’homme a des tendances égoïstes et l’homme a des tendances altruistes, — sans se demander si la psychologie (à laquelle d’ailleurs il ne croit guère), ou la biologie (en laquelle il a pleine confiance) ne peut pas montrer dans l’altruisme une transformation de l’égoïsme ? Une telle méthode est sans doute prudente et conforme à l’esprit circonspect des savans ; mais, en morale, il faut bien prendre un parti à ce sujet et se former une opinion sur l’origine première de l’altruisme. En effet, Auguste Comte va jusqu’à nous demander un dévoûment entier à autrui, une complète abnégation, un « amour » de l’humanité capable d’étouffer tout égoïsme et de s’élever au sacrifice. « Quand