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sont revêtus d’une maçonnerie solide, et le glacis est couronné par des chevaux de frise en bambou. Dans l’opinion de M. de Kergaradec, la citadelle de Hung-hoa, bien qu’incapable de résister à une attaque en forme, est peut-être plus facile à défendre contre un coup de main que la grande citadelle d’Hannoï. A l’époque où cet officier s’y trouvait, Hung-hoa était confié à la garde d’un mandarin annamite du nom de Nguyên-huy-Ky. Chose rare parmi les mandarins, celui-ci est un fervent bouddhiste qui observe les principes de sa religion aussi scrupuleusement qu’un bonze siamois ou cambodgien ; il ne mange rien de ce qui a eu vie et il se nourrit exclusivement de légumes. Ce qu’il y a de touchant dans cette abstinence, c’est qu’il a adopté ce genre d’existence à la suite de la mort de l’un de ses enfans qui venait d’obtenir, après un examen public, un grade élevé.

A Trinh-Xa, où se trouve une nouvelle douane, le Fleuve-Rouge est large de 1,500 mètres environ ; il se forme ici de deux cours d’eau : du Fleuve-Rouge proprement dit, que l’on commence à désigner sous le nom de Song-Thâo, et du Song-Bo, auquel les Chinois, selon leur déplorable habitude de baptiser trois ou quatre fois une ville, une rivière ou une contrée, ont encore donné le nom de Hê-ho ou Rivière-Noire, que l’on trouve un peu plus bas. Il se grossit en plus des eaux de la Rivière-Claire ou Song-Cà. De tous ces affluens, la Rivière-Noire semble le plus important. Sa largeur à l’embouchure dépasse 800 mètres ; à certaines époques, elle est double de celle du Fleuve-Rouge, dont les eaux laissent où nous nous trouvons un large banc de sable à découvert. La Rivière-Noire, loin de son embouchure, c’est-à-dire à quatre ou cinq jours de marche, voit sa navigation entravée, au dire des indigènes, par des rapides infranchissables. Il y a le long de ces berges un centre de population qui sert de marché à différentes tribus et principalement à celle des Muong-lâ-Koué. Ces Muong seraient très riches et nombreux. Ils forment treize tribus ; chacune d’elles a son chef, mais ces treize chefs reconnaissent un chef suprême pour suzerain. Le pays des Muong comprend toute la partie située entre le Fleuve-Rouge et le Mékong, des possessions annamites à la province chinoise de Yunnan. La vallée de la Rivière-Noire forme à peu près le centre de leur domination. Les hommes sont, dit-on, grands, forts et assez bien faits. Leur couleur est celle des différens peuples de ces contrées, un peu bronzée. Au-dessus des Muong-lâ habitent les Muong-lô et les Muong-lou ; les Muong-taï habitent plus bas en descendant la Rivière-Noire. Ces tribus exploitent treize mines d’or d’une grande valeur : ce qui fait croire à la richesse de leurs filons, c’est l’abondance dans la contrée de sables