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sera annexé le Tonkin, les bassins de la Rivière-Glaire et de la Rivière-Noire verront peu à peu leur sol se peupler d’émigrans.


V

Revenons au Fleuve-Rouge, à l’endroit où, comme nous l’avons dit, sa largeur atteint 1,200, à 1,500 mètres par suite de sa jonction avec la Rivière-Noire. Il forme sur ce point un coude encombré de bancs de sable entre lesquels, à chaque nouvelle crue, il se fraie un passage nouveau, lie plus profond de ces passages m’a pas plus de 2 mètres de fond. Les embarcations, en remontant, sont contraintes de chercher un chenal qu’elles trouvent du reste facilement et qu’elles passent en poussant à la perche.

Les jonques tonkinoises qui font ordinairement le trajet d’Han-noïà Lao-kaï, peuvent transporter vingt tonneaux environ ; elles ont 20 mètres de long, 3 mètres de large et 1m, 20 de profondeur de cale ; elles sont à fond entièrement plat, construites en planches de ce bois de cay-cho dont nous avons parlé ; leur tirant d’eau en pleine charge ne dépasse pas 0m, 080 ou 0m, 090. Ces dimensions devront être observées pour les bateaux à vapeur que le gouvernement consacrera à l’usage du Fleuve-Rouge. Une solide toiture en bambou tressé, — le cayan des Malais, — reposant sur une charpente en bois, couvre le bateau de l’avant à l’arrière, à l’exception d’un espace de 8 mètres laissé libre en avant. Cette toiture, qui garantit la cargaison et sert la nuit d’abri à l’équipage, est en même temps la passerelle sur laquelle se tiennent les bateliers pour pousser la barque le long de la rive au moyen de longues perches en bambou de 5 à 6 mètres munies de pointes en fer. Souvent aussi, partout où il y a un chemin de halage, les jonques sont remorquées à la cordelle ; le pas uniforme des remorqueurs leur donne une vitesse de 3 kilomètres environ à l’heure. L’aviron ne sert qu’à la descente. Quand le vent est favorable, on établit, au moyen d’une mâture qui n’a pas moins de 15 mètres de haut, une immense voile en coton léger, à l’aide de laquelle la barque file trois nœuds par la moindre brise. L’équipage de chaque bateau se compose de douze hommes, en y comprenant le patron et le pilote qui sondent en avant. C’est parmi ces pilotes, qu’on appelle phât, qu’on trouve les gens qui connaissent le mieux le fleuve, et on peut choisir parmi eux des Annamites dont les services seront très précieux. Après le patron et le pilote, on trouve encore dans chaque jonque un troisième batelier -qui a autorité sur l’équipage ; c’est lui qui est chargé de diriger et d’activer à terre