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sente désormais un culte rationaliste et universel, sans les restrictions sociales de l’Adi Somaj ni les fantaisies théosophiques du Bharatbharsia. Il faut toutefois noter que seule une question de méthode le sépare de l’Adi Somaj, tandis qu’entre le Bharatbharsia et ses deux émules il y a une profonde divergence de principe. On peut même douter que le Brahma Somaj de l’Inde reste encore longtemps une église brahmaïste, car si Keshub-Chunder-Sen, abandonné sans contre-poids sur la pente de son mysticisme, continue à développer sa théorie de la médiation, — soit qu’il finisse par rentrer dans le giron du panthéisme védantique, soit qu’il en arrive à accepter une forme quelconque de christianisme révélé ou même à fonder un culte nouveau, — il n’aura bientôt plus rien de commun avec les principes de théologie naturelle qui constituent le fondement du brahmaïsme.

Déjà un certain rapprochement s’est opéré entre le Sadharan Somaj et l’Adi Somaj, qu’inspire toujours le vénérable Debendra-Nath-Tagore. Celui-ci a souscrit l’an dernier pour 7,000 roupies au mandir que s’élève le Sadharan Somaj, et lors d’un meeting tenu dans sa maison de Calcutta, au mois de janvier 1879, en l’honneur de Ram-Mohun-Roy, on a vu plus de mille brahmaïstes, appartenant aux deux somajes, fêter en commun la mémoire de leur illustre fondateur. Le babou Raj-Narain-Bose, à qui Debendra-Nath-Tagore a abandonné la présidence effective de sa congrégation, a même émis l’idée d’une entente entre les trois fractions actuelles du brahmaïsme sur les principes établis par Ram-Mohun-Roy. — Il y a eu, au mois de janvier dernier, un demi-siècle que ce dernier institua la société du Brahma Subha, et les brahmaïstes qui s’étaient préparés, sans distinction de nuances, à célébrer dignement cet anniversaire, n’auraient pu certes rendre à la mémoire de leur fondateur un hommage plus mérité et plus heureux. Mais les questions de principes qui les séparent, surtout en ce qui concerne l’église de Keshub, rendent une pareille union presque impossible, à moins de la faire reposer, comme remarquait le principal organe du Sadharan Somaj dans son numéro du 6 mars 1879, sur la simple communauté du sentiment religieux, abstraction faite de toute divergence en fait de dogmes, de rituels et de réformes sociales. Tel était au fond le programme adopté par Ram-Mohun-Roy avec une largeur de vues un peu méconnue par ses disciples immédiats, qui firent de l’infaillibilité des Védas une pierre angulaire de leur église.

Du reste, quelque organisation que revête le brahmaïsme, il représente incontestablement l’esprit actuel de la société indigène, et, à ce titre, il porte peut-être dans ses flancs l’avenir religieux de l’Inde. De l’Himalaya au cap Comorin, les vieux cultes se lézar-