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REVUE LITTERAIRE

LE MAL DU SIECLE

Une Maladie morale. — Le Mal du siècle, par M. Paul Charpentier ; Paris, 1880.

S’il suffisait, non pas même pour écrire un bon livre, mais seulement pour ne gâter point, un beau sujet, d’être animé des meilleures intentions, nous n’aurions pas assez d’éloges pour les quatre cent dix-neuf pages que M. Paul Charpentier vient de consacrer à l’étude de cette maladie subtile, mystérieuse et profonde que l’on a désignée, voilà longtemps déjà, faute d’un autre nom plus significations le nom de mal du siècle. On n’est pas en effet plus vertueux, plus austère, plus moral, — on ne donne pas de meilleurs conseils, — on n’est pas plus digne enfin d’un prix Monthyon que M. Paul Charpentier. C’est dommage, en vérité, que la morale ne soit pas partout à sa place, que la pureté des intentions n’ait rien de commun avec l’analyse psychologique, et que sir Charles Grandisson soit le dernier homme du monde qu’on puisse appeler, à connaître de Werther, de René, de Childe-Harold et de tant d’autres illustres désespérés ou dégoûtés à leur suite, qui, comme on l’a si bien dit, loin « d’avoir adouci dans les plaisirs qui les environnaient l’amertume de leur âme, ont répandu cette amertume sur tous les plaisirs qui pouvaient radoucir. » Si ce n’était pas ici jouer d’un trop vilain tour à un homme si bien intentionné, nous citerions volontiers quelques jugemens échappés à la plume intrépide de M. Paul Charpentier. Ainsi quel courage, quelle force de conviction et quelle fureur de moraliser ne lui a-t-il pas fallu pour écrire cette phrase : « Chateaubriand a déclaré