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forces européennes n’aura pas pour résultat de susciter quelques-unes de ces complications qu’on croit prévenir. Ce qu’il y aurait de curieux, ce serait que le cabinet libéral de l’Angleterre, arrivé au pouvoir pour réaliser le programme le plus pacifique, pour réagir contre la politique de lord Beaconsfield, eût singulièrement contribué par une inconsistance agitée à aggraver ou à raviver les crises de l’Orient.

L’opinion anglaise n’est peut-être pas sans quelque souci au sujet de la conduite de son gouvernement dans les affaires orientales, et la question est plus d’une fois revenue au parlement depuis quelques semaines, surtout aux derniers momens de la longue session qui finit à peine, qui a été close il y a peu de jours par un discours de la reine. Le ministère anglais, dont le chef, M. Gladstone, a été quelque temps retenu par la maladie loin du parlement, le ministère libéral, à vrai dire, a eu depuis son avènement une existence assez laborieuse, semée d’un assez grand nombre de difficultés en dehors même des embarras de la question d’Orient. Il a eu les affaires de l’Afghanistan, qui ont été un moment compromises par le terrible échec du général Burrows, mais qui viennent d’être relevées avec éclat par une victoire décisive du général Roberts, par la dispersion de l’armée du prétendant afghan et la délivrance de Candahar. Le cabinet anglais, sans aller si loin, a eu aussi à se débattre avec une série de troubles qui ont éclaté en Irlande à la suite du vote par lequel la chambre des lords a rejeté un bill tendant à améliorer la condition des fermiers irlandais. L’agitation, sans être aussi violente qu’elle l’a été un instant, est loin d’être apaisée, et comme si ce n’était pas assez, dans les derniers jours de la session, le secrétaire d’état d’Irlande, par ses vivacités de parole, a donné quelques embarras au cabinet dont il fait partie. M. Forster n’a peut-être pas dit tout ce qu’on lui a prêté. Il n’a pas du moins craint de dire que, si les lords émettaient beaucoup de votes comme celui qui a rejeté le bill sur les fermiers irlandais, on serait conduit à examiner si la constitution de la chambre haute ne devrait pas être réformée. Un autre ministre, sir W. Harcourt, ne s’est pas défendu non plus d’assez compromettantes excentricités de langage. Lord Granville s’est employé à pallier ces dissonances ; mais c’est peut-être la preuve que M. Gladstone aura quelque peine à maintenir indéfiniment l’accord entre libéraux et radicaux dans le cabinet qui dirige aujourd’hui les affaires de l’Angleterre.


Ch. de Mazade.