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du roi étaient pour la paix et contre l’émancipation ; les pittiies étaient pour la paix et pour l’ajournement de l’émancipation ; les grenvillites étaient contre la paix et pour l’émancipation ; les foxites étaient pour la paix et pour l’émancipation.

La nouvelle classification des partis ne se fit pas en un jour. Pendant les premiers temps, on put croire que l’ancienne majorité se grouperait tout entière autour d’Addington. Pitt lui-même encourageait ses amis à entrer dans cette voie. Pour le moment, il était disposé à se contenter du rôle de protecteur du ministère. On lui témoignait de la déférence, on le consultait sur les questions les plus importantes, on le tenait au courant des négociations avec la France. Tout marcha bien jusqu’à la signature du traité d’Amiens. À ce moment, les grenvillites se prononcèrent contre la paix. C’était à prévoir. Grenville, Wyndham et tous les hommes importans de ce groupe avaient toujours été les plus ardens adversaires de la France : Fox et ses amis votèrent, au contraire, pour la paix ; mais c’était le seul point sur lequel ils fussent en accord avec le ministère ; et du moment que la question se trouvait réglée, ils pouvaient parfaitement s’allier aux grenvillites, dont rien ne les séparait plus. Addington voulut prévenir cette coalition. Il avait encore une majorité très suffisante, à la condition de conserver le concours de Pitt ; mais évidemment il songeait à s’affranchir de ce protectorat, qu’il trouvait un peu humiliant. Il essaya donc de détacher de l’opposition une partie des libéraux. Il fit des avances, non pas à Fox, mais à Sheridan et à Tierney, qu’il croyait ou moins désintéressés ou moins scrupuleux. Sheridan, en effet, était besogneux ; Tierney était ambitieux : on pouvait croire que la séduction du pouvoir agirait sur eux. Cependant ils ne se montrèrent pas désireux, pour le moment du moins, d’entrer aux affaires. Ils se contentèrent d’appuyer le ministère de leur parole et de leur vote. Le parti libéral ne les suivit pas dans cette évolution. Ni l’un ni l’autre n’avait une autorité morale suffisante pour lutter contre celle de Fox. D’un autre côté, Pitt fut extrêmement blessé de voir Addington chercher des amis de ce côté. Fox n’était pour lui qu’un adversaire politique. Sheridan et Tierney étaient presque des ennemis personnels, Tierney surtout, avec lequel il s’était battu en duel quelques années auparavant. Son mécontentement bien naturel fut entretenu et envenimé par plusieurs de ses amis, notamment par un homme sur lequel nous devons maintenant donner quelques détails, car il est destiné à tenir une place importante dans la suite de ce récit.

George Canning, bien qu’il n’eût encore que trente-deux ans, avait pris depuis plusieurs années déjà une place importante dans la majorité conservatrice de Pitt. A la différence de Castlereagh, dont il fut tour à tour le collègue et l’adversaire, il n’avait ni