seulement de l’énorme influence dont il disposait, nul doute, qu’il n’eût avancé de dix ans le triomphe de la liberté religieuse. Malheureusement Castlereagh était peu capable de se dévouer avec désintéressement à une grande idée. Il était perspicace, avisé, persévérant. La hauteur des vues et la générosité du cœur lui faisaient défaut.
Son ancien collègue Canning était un tout autre homme. Avec moins de jugement que Castlereagh, moins de suite dans les idées, moins d’habileté à conduire sa vie, il était plus capable d’élans généreux. Depuis longtemps il avait pris nettement parti pour les catholiques. Petit-fils d’un Irlandais, il n’oubliait pas son origine. Surtout il n’oubliait pas que la résistance du vieux parti tory à la liberté religieuse avait arrêté sa carrière en brisant le ministère de Pitt. La froideur même que Castlereagh montrait à l’égard des catholiques ne faisait qu’exciter le zèle de Canning en leur faveur. Il détestait ce rival, dont les talens étaient moins brillans que les siens, mais dont la carrière avait été plus heureuse, cet ancien collègue avec lequel il s’était battu en duel, cet homme qu’il était destiné à rencontrer toujours sur son chemin et qui pendant près de vingt ans barra le passage à son ambition et à son génie. Tout se réunissait donc pour le jeter du côté des catholiques : ses bons et ses mauvais sentimens, ses convictions et ses passions, ses amitiés- et ses haines.
Canning avait refusé de rentrer aux affaires après la mort de Perceval, parce que lord Liverpool ne voulait pas faire de l’émancipation des catholiques une question de cabinet. Il ne s’en tint pas là. Dans le cours de la session, il saisit la chambre de la question. Son discours produisit un grand effet. Une majorité de plus de cent voix se prononça en faveur de sa proposition. Dans la chambre des lords, elle ne fut repoussée qu’à une voix de majorité. Les catholiques semblaient donc à la veille du triomphe. Malheureusement pour eux, les élections générales qui eurent lieu à la fin de l’année renforcèrent le parti protestant dans la chambre. On était au plus fort de la lutte contre Napoléon. Le ministère Liverpool bénéficiait des succès remportés en Espagne par sir Arthur Wellesley. Il bénéficia encore de la retraite de Russie, de la bataille de Leipzig et de la campagne de France. L’opposition, qui n’avait cessé de prédire des échecs, était réduite à l’impuissance par ces succès inespérés. La cause du cabinet se confondait avec celle du patriotisme. Les catholiques, qui avaient toujours eu pour défenseurs les adversaires de la guerre, étaient frappés de la même réprobation que ces derniers. L’opposition était qualifiée de parti anti-national, départi français. O’Connell, dans les meetings catholiques, était obligé de protester contre cette dangereuse accusation. En pareil cas, les