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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/639

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étaient toujours réservées dans la chambre des lords et se sont privés d’exercer le pouvoir que leur assuraient la naissance, la tradition et la loi, plutôt que de prononcer quelques paroles qui, dans leur bouche, auraient été une apostasie ou un parjure. Leurs adversaires de leur côté, sauf l’égoïste George IV, obéissaient à des mobiles du même ordre, à des mobiles désintéressés et honnêtes. Quand George III repoussait avec acharnement l’émancipation des catholiques, il ne cédait pas à des préoccupations vulgaires, à des motifs personnels et bas. Il s’inspirait d’une idée fausse, mais d’un sentiment respectable. Lui aussi se croyait lié par la religion ; lui aussi voulait se garder de ce qu’il considérait comme un parjure ; lui aussi obéissait à sa conscience.

L’émancipation des catholiques marque une date dans l’histoire de l’Angleterre. Elle ouvre la série des grandes réformes qui, en un demi-siècle, ont transformé la constitution politique, sociale et religieuse de nos voisins. A partir de 1829, le mouvement libéral se poursuit presque sans interruption par la réforme électorale, par l’abolition de l’esclavage, par l’émancipation des colonies, par le renouvellement de tout le système économique, commercial et financier de l’empire britannique. Si importantes que soient ces réformes, si indispensables qu’elles aient paru aux hommes d’état de la Grande-Bretagne, aucune d’elles n’est plus pure de tout alliage, plus indiscutable dans son principe, plus inattaquable dans ses conséquences que la grande mesure d’apaisement de 1829. Les systèmes politiques, les systèmes économiques prêtent toujours aux discussions ; ils n’ont pas un caractère de généralité absolue et d’infaillible certitude qui leur permette de s’appliquer à toutes les nations et de se prêter à tous les états sociaux. La liberté de la foi, au contraire, est une nécessité d’ordre supérieur à laquelle il n’est plus permis de se soustraire. On ne doit pas à tous les peuples la même somme de droits politiques ; on leur doit, à tous, au même titre, au même degré, avec le même caractère d’impérieuse obligation, ce bien suprême, aujourd’hui universellement réclamé par la conscience du genre humain : la paix religieuse.


EDOUARD HERVE.