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excès encore qui, même pour les plantes vertes et pour les cultures maraîchères auxquelles convient parfaitement l’engrais des eaux vannes, rend impossible l’utilisation sur des surfaces suffisantes. Comment pourrait-on matériellement, durant les saisons où l’irrigation est impraticable ou nuisible, emmagasiner, pour s’en servir aux momens propices, ces colossales quantités de liquide ? Réduit à l’état sec, au contraire, il apporterait à la grande culture, — les analyses en font foi, — un précieux élément de fertilisation : on le conserverait sans peine et sans perte pour le transporter où et quand on voudrait, et on l’appliquerait suivant les convenances à tous les genres de récoltes. Donc, pour résoudre complètement la question, il faudra tout à la fois cesser d’envoyer les eaux vannes à la Seine, ou du moins ne les y laisser retourner qu’après clarification, et dégager par la dessiccation tous les principes fécondans, humus, azote, phosphates, etc., que recèlent les eaux d’égouts.

Or, de toute évidence, entre ces deux conditions, clarifier les eaux, dessécher les matières organiques fertilisantes, il n’y a nulle contradiction, bien au contraire. Ce sont deux résultats absolument concordans, et une seule et même opération les produit à la fois : cette opération, c’est la décantation.

En prononçant ce mot sans plus de précautions oratoires, nous n’ignorons point à quelles préventions nous risquons de nous heurter. Mais ces préventions, qu’on nous permette de le dire, sont nées, et ont vécu surtout, de la volonté bien arrêtée de ne point sortir de la voie où l’on s’était engagé sans réserve. D’ailleurs un préjugé ne saurait tenir lieu de preuve, ni prévaloir contre l’expérience. Il n’y a, on l’a dit, rien de brutal comme un fait. Or c’est un fait qui nous a convaincus, et ce fait, tout le monde peut le constater dans une grande usine des environs de Paris.

Pendant longtemps, les prescriptions administratives sur la clarification des eaux employées dans les usines sont restées à l’état de lettre morte. Les premiers essais tentés pour y satisfaire, essais rapportés dans l’intéressant ouvrage de M. de Freycinet[1], remontent à sept ou huit ans ; ils furent faits dans une papeterie des environs de Lille. On obtint une demi-réussite. Ce n’était pas assez pour résoudre la question, mais c’était plus qu’on n’avait espéré, et c’était assez pour rendre à la fois l’administration plus exigeante, et moins hésitans les grands usiniers que pressaient les réclamations les plus vives. De ce nombre était la papeterie d’Essonnes, en raison de l’énorme quantité d’eau employée par elle. Il s’agissait de 10,000

  1. De l’Assainissement industriel ; de l’Assainissement des villes. Paris, 1870.