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vieux républicain de la majorité, visiblement patronnée ou encouragée au palais Bourbon, appuyée dans le gouvernement par quelques-uns des ministres plus particulièrement soumis à l’influence de M. le président de la chambre des députés. On aurait beau faire, le conflit est engagé ; l’action se resserre ; c’est le troisième acte du drame qui va désormais se concentrer tout entier dans l’intérieur du conseil, où les deux politiques se débattent sous les yeux de M. le président de la république accouru non sans regret à Paris.

Que se passe-t-il alors ? Pendant quelques jours, les péripéties se succèdent, et, comme la comédie se mêle un peu à tout, chaque phase de la crise se résume alternativement dans un mot : M. le président de la république repart pour Mont-sous-Vaudrey, ou M. le président de la république a « décommandé » son départ pour Mont-sous-Vaudrey ! Tantôt, dans cette confusion de quelques jours, le chef du cabinet garde un semblant d’avantage, et les ministres partisans de l’exécution immédiate des décrets, M. Constans, M. Cazot, même M. le général Farre, ministre de la guerre contre les moines, offrent leur démission ; tantôt il n’y a plus de démission, une sorte d’entente se rétablit pour quelques heures. On aurait un instant convenu, à ce qu’il paraît, d’ajourner toute mesure décisive non plus jusqu’à la loi sur les associations, comme l’avait dit le président du conseil, mais jusqu’au jugement du tribunal des conflits, qui aura prochainement à se prononcer sur des affaires, relatives aux jésuites, et en attendant on se serait contenté d’adresser une circulaire nouvelle aux congrégations, d’expulser quelques religieux étrangers. On se flattait de pouvoir gagner ainsi quelques semaines et arriver jusqu’à la réunion des chambres. Fort bien ! M. Jules Grévy s’est cru ce jour-là soulagé et libre de prendre le lendemain matin le chemin de fer. Seulement l’accord n’a tenu que quelques heures, le temps de reconnaître qu’on ne s’entendait pas du tout. Le chef du cabinet n’a pas tardé à s’apercevoir qu’on n’avait rien fait, que la circulaire convenue allait au-delà de sa pensée, même au-delà de ses engagemens, que ce qu’il accordait par esprit de paix aux exigences de M. le ministre de l’intérieur était déjà représenté comme une capitulation, et après une nuit de réflexion il a pris son parti. Il s’est décidé à écrire à M. le président de la république qu’il existait entre plusieurs de ses collègues et lui « des divergences de vues qui ne permettaient pas d’espérer que l’accord pût se maintenir, même au prix de concessions mutuelles. » Il a envoyé sa propre démission, croyant offrir ainsi au chef de l’état, comme il l’a dit, un moyen plus facile et plus prompt de dénouer la crise. On ne lui en demandait pas davantage, de sorte que, dans cette lutte de quelques jours inaugurée par le discours de Montauban, semée d’incidens qui ne sont pas tous sérieux, compliqué d’antagonismes avoués ou inavoués, c’est le président du conseil qui est vaincu ! C’est