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Dans l’intervalle des sessions, les électeurs auront à demander compte aux députés de leurs votes et de leurs opinions sur les questions pendantes ; ils ne toléreront plus les scandales qui se produisent dans les élections actuelles, ni l’indépendance absolue des députés, — envers eux s’entend, — dans leur conduite politique. En revanche, ils doivent leur épargner toutes ces demandes de faveurs, de titres et d’emplois qu’on n’obtient souvent qu’aux dépens de la justice.

Ces trois mesures se tiennent, se complètent, et veulent, autant que possible, être accomplies à la fois. Un programme plus restreint serait préférable ; mais comment obtenir, ce qui importe avant tout, que les élections soient libres, si l’ingérence administrative, qui se reproduira à coup sûr, ne peut être à l’instant châtiée ? Et comment cette prompte répression pourra-t-elle s’exercer sans une réforme sérieuse de tout le mécanisme judiciaire ? D’autre part, de quoi serviraient les élections complètement épurées, s’il restait au ministre, dans la libre distribution des emplois et dans l’expédition calculée des affaires civiles, le moyen de gagner les députés ? A tout prix, il faut établir le gouvernement parlementaire dans sa sincérité, c’est-à-dire un gouvernement où les électeurs soient les maîtres des ministres, exactement au rebours de ce qui existe aujourd’hui.

Il ne s’agit nullement de déposséder de leur position de chefs de partis les politiques actuels ; ce serait chimérique de le prétendre, vu qu’il n’y a personne à mettre à leur place. Diminuer le nombre des partis de façon qu’il n’en reste que deux ; diriger ensuite leur conduite dans le sens du bien général, tel est le but auquel le pays doit tendre. Une fois ces deux partis constitués qui représenteront forcément les deux tendances de toute société, progrès et conservation, le public dans les élections donnera le pouvoir à l’un ou à l’autre, selon qu’il se sentira porté, en raison des circonstances, au mouvement ou au repos. Il convient au pays comme au roi de n’accorder à aucun d’eux une prépondérance définitive, pour tant que son séjour au pouvoir puisse se prolonger comme en Angleterre, mais l’autre parti se maintiendra en face, modérant sans cesse la politique de l’adversaire et toujours prêt à prendre sa succession. Quant à la composition des cortès, le public est tenu de veiller à ce que toutes les forces morales et matérielles du pays, tous les intérêts aussi y soient représentés, de telle sorte qu’ils s’éclairent et se pondèrent les uns par les autres ; de même que les employés, et à plus forte raison, les personnes qui ont des contrats et des affaires avec le gouvernement ne doivent pas être éligibles, et si leurs relations d’affaires commencent après leur élection, elles