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plaisir de demander au ministre de l’intérieur, au milieu des rires de la chambre des communes, s’il ne comptait pas donner ordre au ministère public, nouvellement institué, de poursuivre au nom du gouvernement les auteurs d’un document qualifié judiciairement d’excitation à la violation de la loi. Quelques jours plus tard, un autre arrêt cassait l’élection de Chester et atteignait directement un des ministres, M. Dodson, tout en reconnaissant qu’il paraissait avoir été personnellement étranger aux faits de corruption établis à la charge de ses agens électoraux. Quelques membres de l’opposition annoncèrent qu’ils engageraient une discussion le jour où l’on proposerait de convoquer à nouveau. les électeurs de Chester ; pour échapper à ce débat et aux révélations qu’il pouvait amener, on dut recourir au. même expédient que pour le ministre de l’intérieur : le député de Scarborough donna sa démission pour permettre à M. Dodson de rentrer sans lutte à la chambre des communes et de conserver son portefeuille. Les quelques voix que l’opposition gagna ainsi dans les élections partielles n’affaiblissaient pas sensiblement la majorité ministérielle, qui dépassait encore cent voix, mais l’autorité morale du cabinet en était atteinte.

La nécessité où M. Gladstone se trouva, dès le lendemain de son retour au pouvoir, d’expliquer ou plus exactement de rétracter le langage offensant qu’il avait tenu, pendant la période électorale, vis-à-vis de l’Autriche, de son gouvernement et de l’empereur François-Joseph lui-même, produisit une impression pénible dans le public. On s’était demandé s’il était possible que l’ambassadeur d’Autriche entrât officiellement en relations avec un ministère dont le chef avait publiquement outragé la personne de son souverain, et l’on s’attendait, à Londres, à voir le comte Karolyi prendre un congé indéfini. L’effet de ce départ eût été désastreux pour le cabinet ; M. Gladstone ne se le dissimulait pas : aussi écrivit-il au comte Karolyi une lettre d’explications et d’excuses dont l’ambassadeur d’Autriche se déclara satisfait, mais dont la publication ne fut pas sans émouvoir les susceptibilités du patriotisme national. On regretta de trouver certaines expressions sous la plume d’un premier ministre d’Angleterre ; on regretta plus encore qu’il se fût mis dans la nécessité d’écrire une semblable lettre.

Le parlement avait été convoqué pour le 29 avril : il se réunit, en effet, à cette date. — La chambre des communes appela pour la troisième fois M. Brand au fauteuil présidentiel : le député d’une des universités d’Écosse, le docteur Lyon Playfair, remplaça comme président des comités M. Raikes, qui n’avait pas été réélu ; mais les travaux parlementaires furent presque immédiatement suspendus par la nécessité d’attendre que les nouveaux ministres se fussent soumis à la réélection. Ce fut le 20 mai seulement que des