Beaconsfield adjura les membres de la chambre haute de ne pas engager de conflit avec la chambre des communes sur une question où ils paraîtraient obéir exclusivement à un intérêt de caste. Les lords pouvaient émettre un vote contraire à celui des communes, mais il fallait que ce fût sur des questions ou de grands intérêts publics seraient engagés : l’administration de l’Irlande et le régime de la propriété dans cette île présentaient ce caractère d’importance : quand une mesure affectant des intérêts aussi graves, mesure mal conçue et imposée par une faction arrogante, leur avait été apportée, ils avaient usé de leur prérogative constitutionnelle, et leur conduite avait été approuvée par l’opinion publique. Le conseil qu’il avait à donner était absolument désintéressé, car il n’aspirait pas au pouvoir, et il ne visait pas davantage à former ou à renverser des ministères ; mais il ne pouvait cacher à la chambre qu’un vote hostile de sa part serait peut-être accueilli avec joie par les adversaires de ses droits, par les ennemis de la propriété, et que la question n’était pas de celles qui pouvaient justifier un conflit entre les deux chambres. Ce discours détermina la plupart des pairs conservateurs à s’abstenir, et la seconde lecture fut votée par 68 voix contre 20. Une transaction intervint ensuite entre les deux chambres. Les communes refusèrent d’interdire la chasse pendant cinq mois par an, mais elles consentirent à restreindre le droit de chasser au fermier lui-même et à une seule personne désignée par lui.
La mesure la plus importante de la session fut le bill relatif à la responsabilité des patrons vis-à-vis de leurs ouvriers. Cette mesure était équitable, et on peut ajouter qu’elle était nécessaire. Il s’agissait d’introduire dans la législation anglaise un principe admis par les tribunaux de France, d’Allemagne, et de presque tous les états civilisés. Il serait même plus exact de dire qu’il s’agissait de ramener la législation anglaise à son véritable esprit, méconnu et dénaturé par des interprétations contestables. En effet, la loi anglaise, telle qu’elle est appliquée depuis Charles II, reconnaît que le maître est responsable, vis-à-vis des tiers, des actes des gens à son service ; que si, par exemple, un cocher renverse ou blesse un passant, le maître doit indemniser le blessé, comme si lui-même avait conduit sa voiture. De même, si un échafaudage construit par l’ordre d’un entrepreneur s’écroule et blesse ou tue quelqu’un, l’entrepreneur est responsable. La loi ne distingue point entre les hommes au service d’un maître et les particuliers ; il semble que tous aient le même droit à être indemnisés en cas d’accident. En pratique cependant, une distinction est faite : elle est le résultat d’une législation artificielle que la jurisprudence a juxtaposée à côté de la loi primitive. Cette jurisprudence date seulement de 1837 ; elle a pour