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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/891

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trésor public, d’un système national d’assurance contre les accidens. Le comité des associations ouvrières fit au contraire de grands efforts pour obtenir que la loi interdît aux patrons d’imposer à leurs ouvriers l’obligation de s’assurer contre les accidens et l’abandon de leur droit éventuel à une indemnité.

Le bill avait été rédigé avec une grande précipitation, et le dispositif en était fort imparfait : aussi donna-t-il prise à de nombreuses critiques de la part des jurisconsultes de la chambre des lords. La mesure arrivait d’ailleurs tardivement dans la haute assemblée, que la prolongation de la session au-delà de la période habituelle avait déjà indisposée. Sans l’intervention de lord Beaconsfield, qui prit encore une fois le rôle de médiateur, le bill eût probablement avorté. Le chef des conservateurs fit valoir que des imperfections de détail ne devaient pas faire repousser une mesure dont le principe était juste et à laquelle une classe nombreuse de la population attachait une grande importance. Il appuya donc et fit voter la seconde lecture sous la réserve d’amender le bill dans la discussion des articles. Lui-même proposa ensuite une clause additionnelle qui limitait la durée du bill à deux années, intervalle suffisant pour que l’expérience démontrât les avantages et les inconvéniens de la mesure et permît d’arriver à une solution définitive d’un problème aussi délicat. Un pair libéral, lord Brabourne, qui avait attaqué avec véhémence le principe même du bill, réussit à faire supprimer un des articles les plus importans, celui qui rendait le patron responsable des accidens causés par la faute ou l’incurie de quiconque, contre-maître ou autre, avait sous ses ordres l’ouvrier blessé. Le vote de cet amendement provoqua aussitôt une protestation de la part du comité des associations ouvrières, qui déclara, dans une lettre adressée aux principaux membres du gouvernement, que les ouvriers avaient accepté le bill tel qu’il était sorti de la chambre des communes, par esprit de transaction et comme un compromis ; mais que l’amendement de lord Brabourne enlevait à la mesure une grande partie de sa valeur. Le comité adjurait donc le gouvernement et la chambre des communes de ne pas acquiescer à l’amendement. Il fut fait droit à cette réclamation : la chambre adopta tous les changemens introduits dans la loi par les lords, à l’exception de l’amendement de lord Brabourne : elle porta ensuite de deux années à sept la durée assignée à la loi par l’article additionnel de lord Beaconsfield.

Les incidens soulevés par M. Bradlaugh et le bill des indemnités de jouissance avaient absorbé un temps précieux. Le gouvernement avait dû renoncer de bonne heure au bill qu’il avait annoncé pour l’extension du droit de suffrage en Irlande : il dut retirer, devant les répugnances manifestes de la chambre, un bill qu’il