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C’était là, en définitive, un argument puissant contre la théorie des localisations, renouvelé de celui que l’on opposa à Duchesne de Boulogne lorsqu’il présenta sa théorie sur l’électrisation musculaire localisée. Cependant une réponse était facile à trouver : aux faits il n’y a que des faits à objecter. Pourquoi donc, en déplaçant les conducteurs électriques d’un centimètre à peine, provoque-t-on l’exécution de mouvemens tout autres, parfaitement définis, et cela, en excitant un point où, dans le premier cas, le courant diffusait ? pourquoi les mouvemens qui se produisent lors de la deuxième position des conducteurs ne s’étaient-ils pas produits lors de leur première position ? La diffusion électrique existait pourtant ! Pourquoi des localisations si nettes, malgré la diffusion ? En regardant la chose de plus près, on a vu que, si le courant diffuse assez en dehors des conducteurs pour y être perçu au moyen d’appareils très sensibles, il ne le fait cependant pas assez fortement pour exciter des régions situées en dehors de ces conducteurs : la diffusion est physiologiquement insuffisante. D’ailleurs on peut l’éviter en partie par des précautions appropriées.

La diffusion selon la surface se trouve mise hors de cause. Mais ici, seconde objection : peut-on en dire autant de la diffusion selon la profondeur ? La question est grave, car au-dessous de la lésion motrice se trouve un noyau de substance nerveuse, de dimensions considérables, contenant des fibres motrices à l’adresse des muscles. Si le courant diffuse jusqu’à ce noyau, on ne peut plus conclure à l’excitation de la substance circonvolutionnaire seule ; on ne fait qu’exciter les fibres motrices sur leur trajet, et les centres moteurs se dérobent de nouveau. Trois argumens peuvent être invoqués contre cette objection. Tout d’abord, on peut faire remarquer que l’excitation des circonvolutions qui sont le plus rapprochées de ce noyau est celle qui donne le moins de résultats ; parfois même elle ne provoque aucun mouvement. A moins d’admettre que les effets sont en raison directe des résistances, ce qui est absurde, la conduction en profondeur ne peut être invoquée. D’autre part, la section des fibres blanches sous-jacentes aux points excités, qui, tout en interrompant la continuité physiologique, n’arrête pas la conduction électrique, suffit à empêcher la production des mouvemens, ainsi que l’a démontré Braun. Enfin, Ferrier a montré que l’excitation directe du corps strié, c’est le nom du noyau en question, produit une contraction musculaire générale du côté opposé du corps et non des mouvemens spéciaux isolés. De ceci nous concluons que la diffusion électrique vers le corps strié peut exister, mais qu’elle est physiologiquement insuffisante.