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Ces réserves étant faites, la méthode clinique n’en reste pas moins d’une importance capitale dans la question qui nous occupe. Ne s’agit-il pas, en effet, de vérifier sur l’homme même les hypothèses de l’expérimentation ? n’est-ce pas encore en étudiant sur l’homme seul que nous pourrons nous assurer de l’existence de régions intellectuelles et sensitives ? Si bien qu’aujourd’hui il n’est pas de médecin, ni de physiologiste, qui mette un instant en doute le grand rôle que la méthode clinique est appelée à jouer dans l’étude des localisations cérébrales.

Toute lésion cérébrale n’est pas susceptible de venir en aide à notre théorie. Il importe avant tout que la lésion soit le plus circonscrite possible, que sa tendance à se généraliser soit faible ou nulle, et enfin qu’elle ne soit pas de nature à agir à distance par compression de l’encéphale ou autrement.

Quelle que soit la région corticale occupée par une lésion remplissant les conditions ci-dessus énoncées, les symptômes qui en résultent peuvent être de deux ordres : excitation ou paralysie de la fonction propre. Nous retrouvons ici les deux symptômes opposés que l’on peut provoquer expérimentalement par l’électrisation et l’ablation de la substance des circonvolutions. Il va sans dire que les symptômes d’excitation varieront selon la région lésée. La région intellectuelle donnera du délire ; la région motrice, des spasmes ; la région sensitive, des sensations subjectives. Les symptômes de paralysie fonctionnelle seront aussi diversement représentés par l’affaiblissement mental, la paralysie motrice et l’anesthésie limitée à un sens quelconque.

Il n’est pas rare, en outre, qu’une même lésion présente ces deux ordres de symptômes qui se succèdent et alternent l’un avec l’autre : cela dépend beaucoup de sa nature. C’est là un fait qu’il importe de ne point négliger, non plus que cette division des symptômes en deux grandes classes. Ceci dit, abordons le résumé des faits en suivant le même ordre que précédemment.

La région moyenne de la face supérieure du cerveau paraît être la région motrice. En effet, les lésions limitées de cette région provoquent des troubles marqués dans l’innervation motrice du corps, troubles qui consistent soit en monoplégies, c’est-à-dire en paralysies circonscrites, soit en monospasmes, ou spasmes également limités. En éliminant les cas exceptionnels où ces lésions restreintes provoquent, par compression ou autrement, un trouble général et en ne conservant que ceux où les symptômes sont limités, l’on arrive à enregistrer une relation constante entre certaines lésions et certains troubles. C’est ainsi que l’on rencontre des monoplégies oculaires : l’œil ne peut être dirigé là où le voudrait le patient.