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Vous pechez en conclusion
Qui nyez repparacion,
Mais très bien poez inferer
Qu’il convient a le repparer
Que cil qui en ara l’ottroy
Aist puissance infinye en soy.

C’est l’argumentation même de l’école, et de la chaire, sur le « mystère » de l’incarnation. « Pour nous faire enfans de Dieu il fallait que le Fils unique se fît homme[1]. » Quel que soit le sens exact du mot de mystère, qu’il vienne ou ne vienne pas du mot ministerium, qu’on l’écrive mistére ou mystère, qu’on le fasse ou non synonyme de la funzione des Italiens, ou de l’auto des Espagnols, je crois donc avoir déjà le droit de conclure qu’il n’est pas absolument vrai, comme on l’a soutenu, « que les drames religieux n’eussent pas pour objet de représenter les faits évangéliques en tant qu’inaccessibles à la raison, ou mystérieux. » À ces deux premières scènes je joindrai particulièrement deux autres scènes où Jésus, parmi les docteurs, dispute longuement avec les Gamaliel et les Zorobabel de la convenance des prophéties à l’époque de sa naissance et au caractère de sa mission. Et, — détail assurément caractéristique, — Zorobabel, sur la fin de la seconde, a soin de « récoler »

En brief les signes ordonnés
Qu’a present ont esté donnés.

Il y a là plus qu’une explication théologique, et j’y vois nettement l’intention de fournir au peuple des argumens pour répondre, le cas échéant, à quelques difficultés vulgaires d’exégèse biblique. Il serait aisé de poursuivre et de montrer par des citations tirées du prologue et de l’épilogue de chacune des quatre journées cette intention d’édification et d’instruction toujours présente à la pensée de l’auteur du mystère. J’aime mieux en saisir une autre preuve dans le tissu même du drame.

Dans la troisième journée, quelque temps avant que Jésus soit mis en croix, tout à coup, des profondeurs du limbe, on entend la voix d’Adam qui s’élève :

Doulx Dieu qui règnes sans finer
Et qui tous bien veulz assigner
A moy ta povre créature.
Quand vouldras tu l’heure signer
Que tu nous dois mediciner
Repparant notre fortfaicture ?

Il ne me semble pas que faire ainsi reparaître Adam, ce soit suivre d’aussi près qu’on le veut bien dire le texte même des Évangiles ou de

  1. Bossuet, Elévations.