Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/964

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passé, et comme ce qu’il y avait de politique dans la rupture de la France et du Mexique a disparu avec le temps, avec les révolutions, il n’y avait plus qu’à se préoccuper avant tout des intérêts qui sont considérables, d’un commerce qui dépasse le chiffre de 40 millions par année, 40 millions dont les trois quarts au moins représentent l’exportation française. Le rapprochement des deux républiques s’est fait pour assurer à ces intérêts une protection plus directe, plus efficace. Il ne s’est cependant pas accompli sans des négociations assez lentes, peut-être assez délicates, qui ont trouvé parfois de l’écho dans le parlement, qui se sont prolongées à travers plusieurs ministères. Le dénoûment ne date que d’hier, il est maintenant officiellement enregistré, et tandis qu’un représentant du Mexique va être accrédité à Paris, un membre de la chambre des députés, M. le baron Boissy d’Anglas, est envoyé comme ministre en mission temporaire à Mexico. Des consuls français sont en même temps nommés dans les principaux ports mexicains. C’est la fin d’une tragique histoire et d’une longue interruption de rapports diplomatiques. L’essentiel est aujourd’hui de ne rien grossir, de ne voir dans un incident de ce genre que ce qu’il y a. C’est un ministre plénipotentiaire de plus à nommer ! Qu’on prenne simplement garde que la présence d’un agent diplomatique d’un certain ordre n’est pas raie garantie infaillible dans ces républiques américaines, avec des gouvernemens qui ne sont pas toujours sérieux, qui sont souvent impuissans contre les désordres. Qu’on se souvienne qu’au Mexique notamment il y a eu de tout temps d’inextricables conflits qui ont fini par le plus terrible de tous. C’est un avertissement de prudence pour les agens et de circonspection pour les intérêts qui vont chercher fortune dans ces contrées du nouveau monde.

Ce n’est pas au Mexique, pays espagnol, c’est en Espagne même que vient de se passer un de ces douloureux incidens qu’on ne peut malheureusement ni prévoir ni prévenir, mais qui appellent toujours la protection de nos représentans au dehors. Un de nos plus jeunes collaborateurs, homme de savoir et de talent, formé par de sérieuses études à l’École normale, M. Lucien Louis-Lande était allé en Espagne pour faire des recherches à Simancas et préparer de nouveaux travaux. Il était sur le point de rentrer en France lorsqu’aux portes de Valladolid, où il venait d’arriver, il a trouvé une mort obscure ; il a péri sous les coups d’un meurtrier vulgaire. M. Louis-Lande, par ses sérieuses et modestes qualités, par son ardeur au travail, était digne de vivre et méritait l’intérêt universel que sa mort a excité. Il était un des meilleurs de la génération nouvelle, et une fin si malheureuse, aux portes d’une ville, là où semblerait devoir régner quelque sécurité, est certes bien faite pour être vivement sentie en Espagne comme en France.

Ch. de Mazade.