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tous les concours « pour accomplir la tâche nationale qui lui est imposée. » Il était obligé de parler ainsi, ne fût-ce que pour justifier les mesures adoptées en l’absence des chambres, les crédits extraordinaires, les emprunts, la mobilisation de l’armée, qui, a-t-il ajouté, « restera sous les drapeaux jusqu’à ce qu’elle ait accompli son devoir en établissant un nouvel ordre de choses dans les provinces qui nous ont été concédées. » Le discours du roi George n’est, après tout, que l’expression des sentimens de son peuple. Par une complication de plus, le lendemain même de l’ouverture du parlement, le ministère de M. Tricoupis, qui a pris l’initiative des premières mesures extraordinaires, a été renversé, et M. Tricoupis a été remplacé à la présidence du conseil par M. Comoundouros, qui, à son tour, n’a fait qu’accentuer le langage belliqueux du roi. Pressé de s’expliquer sur la politique qu’il portait au pouvoir, M. Comoundouros aurait insisté, dit-on, sur la nécessité « de ne point ajourner les préparatifs nécessaires pour prendre possession du territoire assigné à la Grèce jusqu’au moment où l’Europe entreprendrait d’assurer l’exécution de ses décisions. » Il reste à savoir quel est le sens réel de ce langage et de ces changemens ministériels.

C’est assurément une situation pénible pour un petit peuple qui a de grandes ambitions nationales. La Grèce se trouve en face de questions également graves. Entend-elle se charger quand même, par ses propres forces, de la conquête des territoires qui lui ont été attribués un peu légèrement ? Elle risque de se jeter dans une lutte inégale et de compromettre pour longtemps son avenir. Restera-t-elle sous les armes indéfiniment, attendant une occasion favorable ? Ses finances n’y suffiraient pas, et le pays ne pourrait supporter ce régime de perpétuelle excitation. En est-elle encore à compter sur un concours effectif de l’Europe ? Ce serait visiblement désormais la plus dangereuse des illusions après ce qui vient d’arriver pour Dulcigoo. L’expérience de la démonstration collective est faite pour apaiser les impatiences d’imagination de M. Gladstone, et ce n’est pas sans doute sérieusement que le fils du premier ministre d’Angleterre a mêlé le nom de la France à des projets quelconques. Le baron Haymerlé, de son côté, déclare que l’Autriche ne se prêtera à aucune mesure pouvant amener la guerre avec la Turquie, et que son intervention en faveur de la Grèce se bornera à une action toute diplomatique. Quant à M. de Bismarck, il va plus loin : il aurait, dit-on, déclaré tout haut récemment qu’aucune puissance n’aurait le droit de poursuivre seule l’exécution du traité de Berlin. La Grèce n’a donc à compter que sur des secours tout diplomatiques, sur des sympathies qui pourraient même se refroidir si, par des témérités aventureuses, par des coups de tête, elle contribuait à raviver des crises importunes pour tout le monde.

Le fait est, à y regarder de près, que toutes ces confusions orientales