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la justice y apparaissent peu. Le dernier même n’y apparaît pas du tout. C’est la cour, ou plutôt son vice-président, qui nomme tous les fonctionnaires de l’ordre judiciaire, tous les officiers attachés à l’ordre judiciaire, et jusqu’aux derniers garçons de bureau ; c’est elle, ou plutôt c’est lui qui a la police des greffes ; c’est encore lui qui surveille l’administration des finances communes ; c’est toujours lui qui concentre dans ses mains toutes-puissantes l’administration de la nouvelle justice. L’article 8 de la convention internationale déclarait « que les greffiers, huissiers et interprètes seraient nommés par le gouvernement. » Qu’importe ! L’article 11 du règlement judiciaire, sans tenir aucun compte du texte d’un traité, proclame « que les fonctionnaires de l’ordre judiciaire et les huissiers seront nommés par la cour ou par le tribunal auquel ils seront attachés, « et l’article 12 ajoute « qu’ils pourront être révoqués, à tout moment, par l’autorité judiciaire qui les aura nommés. » Les personnes de bas service elles-mêmes, concierges, garçons de bureaux, échappent à la nomination du ministre pour être soumises à celle du vice-président de la cour et des vice-présidens des tribunaux ; « toutefois, ces derniers ne pourront nommer des personnes de bas service ou en augmenter le nombre qu’après y avoir été autorisés par le vice-président de la cour, qui fixera le montant de la rétribution qui leur sera allouée. » Tout le personnel judiciaire, on le voit, est placé sous la même autorité. Dans cette forte organisation, le parquet ne trouve aucune place, n’obtient aucun droit. Néanmoins son existence même est devenue rapidement une cause d’inquiétude et de malaise pour le vice-président de la cour d’appel. Aussi M. Lapenna s’est-il empressé de s’en débarrasser. Il est parvenu sans trop de peine à obtenir la démission du procureur-général, dont la conduite imprudente lui a fourni des armes pour le battre. Mais, le procureur-général disparu, il restait encore des substituts européens. Se souvenant que plus fait douceur que violence, M. Lapenna n’a pas poursuivi leur révocation ou leur démission ; il s’est borné à les transformer en juges, ce que la plupart d’entre eux ont accepté avec reconnaissance. Mais la France, bien inspirée cette fois, a refusé absolument de permettre qu’on assît son substitut, en sorte que le substitut français est resté à son poste, seul débris survivant du parquet européen, et a maintenu de son mieux, à l’encontre des empiétemens successifs de la cour, le peu d’autorité qu’on lui avait laissé.

Pour tenir les magistrats de première instance sous sa dépendance, les moyens ne manquaient pas au vice-président de la cour d’appel. On pouvait les prendre à la fois par la force et par la persuasion : par la force, car la convention internationale, complétée, comme nous venons de le dire, par le règlement judiciaire, les