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De retour à Paris, Lanfrey n’eut pas à se prononcer sur les projets de restauration monarchique. C’était la prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon qui était en discussion. Décidé, comme c’était son droit, à repousser cette proposition et jaloux de bien établir la rectitude de sa conduite, il crut qu’il était de son devoir d’insister, avant le vote, pour que sa démission fût définitivement acceptée.


Je vais la faire mettre au Journal officiel, lui répondit le duc de Broglie, en mentionnant sa date, qui expliquera vos votes et notre situation réciproque. Vous devez le désirer. Croyez à mes sincères regrets de cette séparation, au bon souvenir que je garde de nos relations, et à mon véritable attachement.


Il était difficile à deux hommes publics qui cessaient de comprendre de la même façon la conduite à tenir dans une question importante, de faire preuve en se séparant de plus de loyauté et de plus de courtoisie.


III

Rendu à son rôle de simple député depuis que, par scrupule parlementaire, il avait renoncé à ses fonctions diplomatiques, Lanfrey revint prendre rang parmi ses collègues les membres du centre gauche. Les loisirs que sa démission lui avait procurés lui permettaient de reprendre son Histoire de Napoléon. Il le fit avec sa résolution accoutumée et la suite qu’il mettait en toutes choses. « Il commença par se plonger dans la correspondance du duc de Wellington, qui lui semblait admirable de bon sens, de droiture, de prévoyance et qu’on ne saurait trop mettre en regard, disait-il, de celle du redoutable personnage qui fut son adversaire. » Cependant. l’entrain n’était plus tout à fait le même. On n’a jamais goûté impunément à la politique active. Ceux qui en ont le plus maudit les tracas se surprennent parfois à les regretter lorsqu’ils en sont complètement affranchis. « C’est sous l’empire que j’aurais dû terminer ce travail, et je préférerais infiniment pouvoir m’occuper d’autre chose. C’est un regret pour moi ; mais cela est sans remède, et il faut que je porte le fardeau jusqu’au bout. » Le succès de son cinquième volume, publié au cours de l’année 1875, ne paraît pas lui avoir importé beaucoup. Peu soucieux en général des félicitations, il raconte avoir reçu avec quelque surprise celles qu’en venant au-devant de lui et lui serrant les mains, M. Gambetta lui avait adressées dans la gare de Versailles. Un peu de monotonie,