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impôt sur les matières premières, n’avait point la pensée d’altérer, dans ses traits généraux, le caractère de la législation économique inaugurée en 1860 ; la nation ne le demandait pas, et les industriels semblaient plutôt émus de la menace d’un impôt nouveau, dont le chiffre et les conséquences étaient inconnus, que désireux de voir modifier la situation qui leur avait été faite par les tarifs conventionnels.

Le projet d’impôt sur les matières premières eut le sort qu’il méritait. Il fut repoussé, et par cet échec fut détruite du même coup la combinaison protectionniste dont il était en quelque sorte l’instrument. Toutefois, les traités n’ayant plus qu’une existence provisoire et une durée limitée par des prorogations successives, il fallait absolument entreprendre l’étude immédiate d’un tarif général destiné à remplacer le tarif de 1791, reconnu inapplicable, et à permettre le renouvellement des conventions douanières avec les cabinets étrangers.

L’administration se mit sans retard à l’œuvre, et le conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie fut chargé de préparer le tarif, à la suite d’une première enquête ouverte auprès des chambres de commerce. Cela se passait pendant le premier semestre de 1876. À cette date, l’opinion presque générale se prononçait pour l’adoption des droits établis depuis 1860 en vertu des conventions, sauf à substituer des droits spécifiques aux droits à la valeur, qui n’étaient pas exactement perçus, et la grande majorité des industriels demandait que les conditions des échanges avec l’étranger fussent garanties, comme par le passé, au moyen de traités de commerce. Le projet de tarif, proposé par le conseil supérieur, fut rédigé conformément à ces vœux. Il demeurait libéral, en ce sens qu’il maintenait les dispositions essentielles de la réforme de 1860 ; mais il relevait plusieurs taxes, il admettait des classifications nouvelles qui équivalaient à des augmentations de droits, et, partout où la perception à la valeur était remplacée par la perception au poids, il y avait aggravation évidente. Bref, le travail du conseil supérieur marquait une halte, avec une certaine tendance à revenir en arrière. S’il avait été présenté sur l’heure à l’examen du pouvoir législatif, il n’eût probablement pas rencontré d’opposition sérieuse : les protectionnistes s’en seraient contentés, les libre-échangistes s’y seraient résignés.

Au commencement de la session de 1877, le gouvernement présenta à la chambre des députés un projet de tarif, qui tout en s’inspirant des conclusions du conseil supérieur, y apportait quelques amendemens, plutôt restrictifs que libéraux. La dissolution de la chambre ayant été prononcée, ce projet fut remplacé, devant la nouvelle chambre (séance du 21 janvier 1878), par une seconde édition