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répondra-t-elle aux intérêts lésés qui crieront à l’injustice ? Ces rivalités et ces antagonismes, résultats naturels de la protection, ainsi que les bruyantes réclamations de la masse des consommateurs, deviendraient particulièrement redoutables dans un état démocratique, où les droits et. bs intérêts populaires sont défendus avec tant d’énergie ; aussi le législateur sera-t-il forcé, dans un délai plus ou moins rapproché, de supprimer pour l’industrie, comme il l’a fait déjà pour l’agriculture, les taxes de la protection et de réaliser l’égalité par la suppression de toutes les faveurs douanières.

Il est vrai que les protectionnistes se vantent d’obtenir la prospérité générale et la pacification universelle par le procédé contraire, c’est-à-dire par le rétablissement de l’ancien régime douanier. La concurrence du dehors étant écartée ou rendue inoffensive par l’effet du droit protecteur, les capitaux engagés dans l’agriculture et dans l’industrie reçoivent leur rémunération convenable et régulière ; les crises provenant de l’inondation des produits étrangers et de l’avilissement ruineux des prix de vente ne sont plus à craindre ; la régularité du capital fait la sécurité de la main-d’œuvre, et maintient les salaires. Peut-être les consommateurs français auront-ils à payer un peu plus cher les produits dont ils ont besoin y mais le consommateur n’est-il pas en même temps producteur ? dès lors la compensation s’établit naturellement au moyen de la protection mutuelle. Le renchérissement ne saurait d’ailleurs prendre des proportions exagérées, car il serait contenu et modéré par la concurrence intérieure, et, dans un grand pays tel que la France, la concurrence intérieure suffit pour stimuler tous les progrès, pour ramener à un taux raisonnable les bénéfices de la production et pour défendre ainsi les intérêts des consommateurs. Il y a donc tout profit, disent les protectionnistes, à replacer l’agriculture et l’industrie dans les conditions de sécurité où elles se trouvaient avant 1860. A cet effet, un bon tarif est nécessaire, et les traités de commerce sont inutiles, nuisibles même, parce qu’ils viennent changer à l’improviste les taxes établies et parce que, dans certains cas, ils peuvent sacrifier à des combinaisons politiques les intérêts agricoles et industriels. Selon ce système, qui nous promet l’eldorado économique, la France vivra par elle-même, satisfaite de son autonomie, n’ayant recours à l’étranger que pour y puiser les produits qui manquent à son sol et pour y écouler l’excédent de sa production. Avec ces deux alimens, les opérations du commerce extérieur, les échanges conserveront une importance considérable, sans qu’il y ait lieu de les soumettre aux stipulations variables des traités internationaux.

Il n’est vraiment plus utile, au temps où nous sommes, de recommencer la discussion sur ce thème épuisé. Si les argumens que