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et il est probable que, par la force des choses, le gouvernement rétablira de la sorte le régime conventionnel de 1860.

Ainsi se terminera, selon toute apparence, la crise que vient de traverser notre législation douanière, en attendant que révolution vers la liberté reprenne son cours. Dans la discussion qui se prépare au sénat, on verra se reproduire ce qui s’est passé à la chambre des députés. Les propositions de la commission, où dominent les protectionnistes, seront combattues en séance publique par une majorité qui n’a point de parti-pris, qui écoutera volontiers l’avis désintéressé du gouvernement et qui ne saurait méconnaître, en cette matière, l’autorité des décisions émanant de la chambre élective. Comment, après ces longues études, après ces manifestations de l’opinion, le sénat craindrait-il de commettre une imprudence, de ruiner l’industrie et l’agriculture, de porter atteinte aux capitaux et aux salaires, en accordant à ces intérêts la continuation du régime, de la protection (puisque c’est le mot consacré) dont ils ont joui depuis vingt ans ? Et combien il serait digne du sénat, où l’esprit traditionnel de modération s’allie au sentiment du progrès, de reconnaître que l’ancien système de tarifs, à outrance ne convient plus à notre temps, que la réforme accomplie doit être tenue pour définitivement acquise et que dans une démocratie, la meilleure loi économique est celle qui apparaît à tous les citoyens, à tous les contribuables le plus franchement dégagée d’inégalités et de privilèges ?

Ce n’est pas à dire que le législateur ait rempli sa tâche et mis à couvert sa responsabilité lorsque, rectifiant les vieilles lois et les appropriant à des principes nouveaux, il réforme une loi de douanes. En même temps qu’il ouvre le pays à la concurrence étrangère, il a le devoir de perfectionner, en tant que cela dépend de lui, l’outillage national et de diminuer autant que possible les charges qui pèsent sur la production. Les protectionnistes n’ont point cessé d’employer cette objection, d’abord, en prétendant que les grands travaux promis en 1800 n’ont pas été exécutés, puis, que les supplémens d’impôts établis à la suite des désastres de 1870 ont augmenté dans une proportion énorme les prix de revient, enfin que, pendant le même temps, les impôts ont diminué dans certains pays étrangers. Il y a dans ces allégations une part de vérité. On a exagéré les faits, les calculs et leurs conséquences : mais ce qui demeure exact suffit pour fournir à l’opinion protectionniste toute une série d’argumens qui s’imposent à l’attention des pouvoirs publics.

Le prix de revient est l’écueil de la statistique. S’il est bien difficile d’établir un compte exact pour des produits similaires qui se fabriquent dans le même pays, sous le même régime d’impôts, il