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l’Égypte, il eût fallu ne pas commencer par la piller. Les désordres auxquels se livrèrent les soldats d’Amyntas, — c’était Amyntas que les mercenaires avaient choisi pour chef, — irritèrent les habitans. Battus sous les murs de Memphis, les Égyptiens ne se tinrent pas pour soumis ; ils se réfugièrent dans l’enceinte fortifiée de la ville. A l’abri de ces hautes murailles, ils purent attendre patiemment une occasion propice de prendre leur revanche. L’occasion ne leur manqua pas. Les mercenaires, au lieu de presser par tous les moyens possibles le siège de Memphis, préféraient dévaster et ruiner la campagne. Une sortie soudaine les surprit dispersés. La mort retrouva ce jour-là ceux qu’elle avait épargnés à Issus. Amyntas lui-même, qu’une population crédule avait accepté dès l’abord comme le remplaçant de l’ancien gouverneur de Sabacès, tombé le 29 novembre sous les coups des Macédoniens en protégeant la retraite de Darius, Amyntas périt avec la majeure partie de ses compagnons : bande avide et féroce que le moyen âge était destiné à voir revivre dans les soldats de la grande compagnie catalane.

La tentative d’Amyntas eût suffi pour faire comprendre au roi de Macédoine le danger de laisser l’empire de Darius s’en aller en lambeaux. Il importait surtout de se saisir promptement du pouvoir dans ces provinces où l’autorité des Perses n’avait jamais été bien assise, car les difficultés de la conquête ne pouvaient que s’aggraver si on laissait à quelque domination étrangère le temps d’y organiser la résistance. Déjà Parménion, détaché en avant, s’était emparé des trésors que Darius avait dirigés sur Damas ; Ménon Gerdimas, un autre lieutenant, s’apprêtait, avec la cavalerie des alliés, à occuper la Cœlé-Syrie, — la Syrie creuse, celle qui se prolonge entre les chaînes du Liban et de l’ Anti-Liban ; — Alexandre se réserva les opérations du littoral. C’était là que se trouvaient échelonnés, sur un espace de 43 lieues marines, les petits rois de la plage, gouvernant, à la façon des doges, autant de républiques marchandes : Arados, Byblos et Sidon, Tyr enfin, bien déchue de sa grandeur passée, mais puissante encore. Tous ces princes, suivant l’exemple qui leur était donné par les rois de Chypre, avaient rallié la flotte d’Autophradatès avec leurs vaisseaux ; pendant qu’ils tenaient la mer dans l’archipel grec, la côte de Phénicie restait abandonnée à des régens. Straton, le fils du roi des Aradiens, sans attendre les ordres de son père, se soumet le premier ; il vient poser sur la tête d’Alexandre une couronne d’or. Ce serviteur empressé de la fortune ne livre pas seulement au vainqueur d’Issus l’île d’Arados, les villes de Marathos et de Mariamné sur le continent ; il lui remet en outre les vaisseaux qu’Autophradatès a envoyés prendre leurs quartiers d’hiver en Asie. Byblos et Sidon ne se montrent pas de composition moins facile.