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la traversée. — Il est si difficile de marcher longtemps en bataille ! — l’aile droite lève rames, et l’aile gauche se hâte ; le front peu à peu se rétablit. Les Tyriens hésitans sont restés immobiles ; Alexandre contemple d’un œil satisfait la longue ligne de vaisseaux qui se balance sur ses rames horizontalement étendues. Il ne faut pas souffrir que cette ligne si péniblement rectifiée se déforme de nouveau par une trop longue attente. Que reste-t-il à faire ? Ce qu’on fit à Issus, ce qu’on fera bientôt dans les champs d’Arbèles. En avant ! Le signal est donné ; toute la flotte part d’un trait. Les Tyriens ébranlés se replient précipitamment vers leurs ports. Ils en ont deux : l’un qui regarde Sidon, l’autre dont l’ouverture est tournée vers l’Égypte. Leur flotte, ils le savent maintenant, n’est plus en mesure de livrer bataille ; elle peut servir du moins à fermer l’entrée des deux darses. La retraite, après tout, s’est opérée en bon ordre ; Alexandre a dû s’arrêter devant les proues rangées à la bouche étroite du port du nord. Trois galères seulement ont sombré sous les éperons des vaisseaux macédoniens, et encore un rivage ami se trouvait-il, à faible distance, prêt à recevoir et à protéger les équipages.

Où en sont les travaux du môle ? Ces travaux, pendant l’absence d’Alexandre, ont beaucoup avancé ; ils ne permettent pas encore aux machines d’approcher des murs ; ils offrent du moins aux vaisseaux un abri sûr contre la tempête. Il suffit, sitôt que le vent change, de se porter du côté que la chaussée abrite. C’est ainsi qu’aujourd’hui Tyr, — Sour est son nouveau nom, — possède encore deux rades. La flotte va jeter l’ancre sous la protection du rempart que lui ont préparé les soldats. Le lendemain elle se partage. Les vaisseaux de Chypre, conduits par Andromaque, sont destinés à rester du côté de Sidon, les bâtimens phéniciens surveilleront le port situé à l’autre extrémité de l’île. Pour mieux nous entendre, appelons désormais avec Arrien le premier de ces ports le port intérieur ; donnons au second que bat la mer du large, le nom de port égyptien. C’est du côté de la darse égyptienne qu’Alexandre fait dresser sa tente.

Les places, de nos jours, se dérobent aux coups de l’artillerie ; elles s’enfoncent, pour ainsi dire, sous terre, ne montrant au-dessus de la crête des glacis qu’une longue ligne de parapets gazonnés. Dans l’antiquité, plus les murailles étaient hautes, plus on les jugeait imprenables. Les Tyriens avaient entouré leur ville de remparts épais formés de larges blocs qu’unissait le solide ciment dont nous n’avons pas tout à fait retrouvé le secret ; à ces remparts ils donnèrent une élévation de 50 mètres. On n’enlève pas de semblables boulevards avec des échelles ; il faut les renverser. Quel