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Mais l’empereur a exigé que je me rendisse à Varsovie pour l’examen des questions soulevées en Pologne, et en particulier de la question des paysans.

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« Il a été décidé que je partirai vers le 1er octobre par exemple, et qu’aussitôt les considérans[1] rédigés, je les apporterai à Pétersbourg. Ce qu’il adviendra de moi ensuite sera décidé par la nature même de l’affaire. Si la question villageoise[2], en Pologne, peut réellement être tranchée d’une manière satisfaisante, je suis prêt à lui consacrer mon travail et mes forces. Telle est manifestement la volonté de la Providence, et je m’y soumets sans murmure. Votre opinion et vos conseils ont plus que tout contribué à cette décision.

« Je ne puis pas ne pas reconnaître que je suis soutenu par l’espérance de votre concours actif. Je n’aurais jamais osé réclamer de vous un aussi pénible sacrifice si votre sympathie ne s’était exprimée d’elle-même. Je vous avouerai que je n’ai point caché cet espoir à l’empereur et que j’ai obtenu de lui une autorisation catégorique. Maintenant le sort de l’affaire est en partie entre vos mains. Vu mes connaissances purement théoriques dans les questions d’économie rurale[3], je ne puis me passer de votre coopération. En Pologne, je ne trouverai aucun aide, cela est hors de doute. Peut-être mes vues personnelles n’embrasseraient-elles involontairement qu’un côté des choses[4] et les chances de succès en seraient a mes propres yeux considérablement diminuées.

« Réfléchissez à tout cela avec la sympathie que vous m’avez témoignée ici. J’attends votre décision avec angoisse.

« Vous resterez absolument maître de participer à cette affaire dans la mesure qui vous conviendra. Quant à la forme officielle de votre collaboration, on me laisse pour cela pleins pouvoirs.

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« Je voudrais bien aussi avoir le concours ou les conseils du prince Tcherkasski pour les affaires de Pologne. Ne ferait-il pas quelque chose sur notre commune prière ?

Il me faut avoir sous la main des renseignemens sur la Posnanie et la Galicie. N’en auriez-vous point ? Ma bibliothèque est dans un tel désordre que je n’y puis rien trouver. »

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La réponse de son ami affligea vivement Nicolas Alexèiévitch. Samarine lui donnait peu d’espoir. Une chose surtout l’arrêtait, la

  1. Soobragéniia, considérans, ou peut-être mieux ici : projets de loi.
  2. Selskii vopros.
  3. Mot à mot : de vie villageoise, selskago byta.
  4. Odnostoronnymi, unilatéral, einssitig, onesided.