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Le parlement s’est donc retrouvé en session il y a quelques jours au Luxembourg et au Palais-Bourbon. Il s’est réuni sous l’impression encore chaude de cette campagne que le ministère vient de poursuivre contre tous les couvens de France et par laquelle M. le président du conseil a cru s’assurer d’avance une majorité, dominer ou neutraliser les hostilités dont il se savait l’objet dans certaines fractions républicaines. C’est sous le pavillon de l’exécution des décrets que le ministère s’est présenté aux chambres, avec une déclaration dont le premier mot est la glorification sans réserve de ce qu’il vient d’accomplir et dont le dernier mot est un appel à la confiance du parlement. Sauf cela, cette déclaration ministérielle par elle-même, à vrai dire, n’a rien de particulièrement original. Elle ressemble à tous les programmes ; elle a la prétention de tracer à la chambre des députés un itinéraire législatif pour arriver sans trop d’encombre aux élections de l’année prochaine. Elle délaie chemin faisant, dans une langue douteuse, un certain nombre de banalités qui ont déjà servi plus d’une fois. En réalité, la partie essentielle, calculée, de la déclaration est dans la préface et dans la conclusion. La préface ou l’introduction, c’est le témoignage de satisfaction que le gouvernement se décerne à lui-même pour sa brillante campagne administrative contre les communautés religieuses. La conclusion, c’est cette sorte de mise en demeure adressée au parlement par un ministère déclarant qu’il n’accepte pas un concours de complaisance, qu’il ne veut être ni subi ni toléré, qu’il ne saurait « se contenter d’une confiance apparenté et d’une approbation précaire. » C’était assez fier, d’autant plus qu’en présentant ainsi son programme, M. le président du conseil venait de parler avec quelque dédain de ces « manifestes ambitieux et retentissans qui touchent à tout sans rien résoudre. » Cela allait droit à quelques républicains de la chambre qui ont prononcé récemment en province ces discours « retentissans » auxquels le chef du cabinet faisait allusion.

Qu’est-il arrivé cependant ? A peine la déclaration du gouvernement venait-elle d’être lue, tout s’est gâté subitement, et le « concours résolu » demandé à la chambre a paru singulièrement compromis. Le ministère n’avait-il donc pas fait assez avec l’exécution de ses décrets ? N’a-t-il pas donné assez de gages de sa bonne volonté ? M. le président du conseil est-il décidément peu en faveur auprès de certains groupes de la chambre qui sont pourtant, eux aussi, de la majorité républicaine ? Il y avait bien, paraît-il, quelque chose, puisque la discorde a éclaté à la première occasion, séance tenante, à propos d’une simple question d’ordre du jour. Le chef du cabinet a tenu à mettre au premier rang, dans les discussions prochaines, les lois sur l’enseignement ; une fraction de la chambre a voulu la première place pour la loi de réorganisation judiciaire, pour ce qu’on appelle par un euphémisme la réforme