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et peut-être des milliers, de victimes innocentes, les sorties de la presse européenne semblent étranges, surtout si l’on compare à cela ce qui se fait en ce moment même à Naples[1]. Il y a, il est vrai, beaucoup d’arbitraire, mais cet arbitraire en refrène un autre plus brutal, celui du parti révolutionnaire ou clérical. L’affaire est encore loin d’être terminée, même en Lithuanie, et quant à la Pologne elle-même, il n’y a pas à en parler ; je m’abstiendrai du reste de tout jugement définitif sur la situation de cette dernière, tant que je ne serai pas sur les lieux……..

« Pour moi personnellement, depuis que je suis monté en wagon, je passe absolument tout mon temps dans les paperasses et les conférences d’affaires. Durant toute la route, le zèle de mes compagnons de voyage n’a pas faibli, même la nuit, de sorte que nous avons à peine fermé l’œil. Cela me réjouit plus que je ne saurais le dire, car je ne voudrais point perdre un seul jour, pour ne pas retarder mon retour sans nécessité.

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Milutine, on le voit, était trop pressé de terminer cette besogne pour s’attarder longtemps en chemin. Il ne passa que trois jours à Vilna et de là fit route directement jusqu’à Varsovie à travers le pays insurgé. Voici comment il racontait ses premières impressions de voyage dans le royaume.


« Varsovie, 13/25 octobre[2].

« Nous sommes partis de Vilna, samedi dans la nuit, et nous sommes arrivés ici à sept heures du soir sans le moindre accident. Il y a partout des troupes en si grand nombre qu’il n’y a aucun danger. Il est seulement pénible de voir le pays dans une situation aussi anormale. Mouravief et moi, nous nous sommes séparés aussi amicalement que nous nous étions rencontrés. Ses explications m’ont été fort utiles, et en somme je ne regrette pas les trois jours passés à Vilna. Ici nous avons trouvé à la gare des gendarmes qui nous ont escortés jusqu’aux appartemens qu’on nous avait préparés. Au palais du vice-roi, où l’on a du depuis, l’incendie transporter l’hôtel de ville, on est tellement à l’étroit que pas un de mes compagnons n’y pouvait loger en même temps que moi. À cause de cela, nous nous sommes décidés à descendre à l’ancien hôtel de l’Europe, où il y a largement de la place pour nous tous[3]

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  1. Milutine faisait sans doute allusion à la répression des bandes bourboniennes dans les provinces méridionales du nouveau royaume d’Italie.
  2. Lettre à sa femme.
  3. Le vaste palais Oginski, alors, croyons-nous, transformé en caserne, et, depuis la fin de l’insurrection, rouvert comme hôtel sous le même nom.