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voit, de coordonner les observations de leur voyage en un rapport destiné à l’empereur. G. Samarine, peut-être alors le plus brillant publiciste de l’empire, avait été naturellement chargé de ce compte-rendu, qui devait préparer les esprits aux mesures radicales jugées nécessaires par les trois explorateurs. Comme l’indique la lettre précédente, Milutine tenait beaucoup à ce que ce travail parvînt au souverain sans passer par l’intermédiaire du comte Berg et de l’administration de Varsovie, ni par celui du ministère de Pologne à Pétersbourg, dont Milutine se défiait également. Dans toute cette affaire, en effet, il devait, autant que possible, s’adresser directement au souverain, soit par lui-même, soit par son frère, le ministre de la guerre, en passant par-dessus la tête des diverses administrations et chancelleries de l’empire ou du royaume.

Le 3/15 novembre, Nicolas Alexèiévitch envoyait enfin à Saint-Pétersbourg ce mémoire auquel il attachait tant d’importance. Pour éviter d’en ébruiter le contenu à Varsovie, il avait poussé la précaution jusqu’à se contenter, selon ses propres paroles, « de copistes fort médiocres, » au risque, disait-il, d’être obligé de le faire recopier à Pétersbourg s’il ne paraissait pas présentable au souverain[1].

Il accompagnait l’expédition du compte-rendu au personnage chargé de le remettre à l’empereur de remarques confidentielles qui faisaient prévoir bien des difficultés, des otages pour l’avenir.


« Varsovie, 3/15 novembre 1863[2].

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« J’ai tâché de m’expliquer avec le plus de douceur et de ménagement possible sur les obstacles que nous rencontrons dans notre travail. Mais la vérité vraie, c’est que, tout en feignant une soumission extérieure, l’administration du royaume, loin d’être disposée à coopérer avec nous au rétablissement de l’autorité régulière, s’efforce de l’entraver par tous les moyens en son pouvoir. Cela nous impose le devoir de ne pas nous contenter d’élaborer les réformes, mais de trouver le moyen de les exécuter nous-mêmes. C’est à cela que nous nous cassons la tête pour le moment. Du reste, cela est pour plus tard.

« Nous avons fini les « considérans » et nous en sommes à présent aux « conclusions. » J’en donnerai connaissance aux comtes

  1. Lettre du 3/15 novembre 1863.
  2. Lettre (au général M.), dont je n’ai entre les mains qu’une traduction française. N’ayant pu la contrôler sur le texte, je ne puis en garantir la scrupuleuse exactitude, mais j’ai tout lieu de la croire Adèle au moins pour le sens général.