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irrésistible ; il réalisera, cela n’est pas douteux, une sorte d’idéal du professeur d’histoire pour la jeunesse de nos lycées. Plusieurs de nos meilleurs maîtres ne font pas autrement : au lieu de briller par des écrits, au lieu de chercher à se faire un nom, comme ils pourraient faire, dans les facultés et les académies, ils enferment leur dévoûment dans leur chaire, ils n’ont d’autre but ni d’autre joie que l’avancement de leurs élèves, et regardent comme un devoir de probité professionnelle de ne point porter ailleurs leur travail et leurs soins. Qui songerait à médire de tels hommes ? C’est d’eux que Joubert a dit qu’ils font comme les Muses, qui inspirent et ne produisent pas ; ils méritent, cela n’est pas douteux, reconnaissance et respect. Supposez à leur place de jeunes ambitieux, trop préoccupés de franchir au plus vite ce qu’ils osent considérer comme un pénible stage pour prendre intérêt à leurs présens devoirs ou pour consentir à les faire passer avant toute chose, ou bien des esprits particuliers, absorbés par des études spéciales et négligeant tout le reste, il est clair que la cause de l’enseignement secondaire sera compromise. Cet enseignement s’adresse aux fils de notre intelligente et active bourgeoisie, qui serviront leur pays dans les carrières les plus diverses, au barreau, dans la magistrature, l’armée, l’industrie, le commerce. Il importe surtout de donner à cette jeunesse nombreuse, outre les grands et nobles sentimens, des idées saines et justes, des connaissances à la fois générales et précises. Ce qu’elle attend de son éducation classique, c’est, à ne parler que des qualités nécessaires pour la pratique des diverses professions, la vivacité d’intelligence, la promptitude et la droiture du jugement, la ferme logique, et, s’il se peut, l’habileté honnête de la parole, qui résume et met en œuvre avec puissance ces dons rares et précieux. Il n’y a pas précisément besoin pour cet enseignement-là de professeurs érudits et destinés à briller comme tels, mais bien plutôt de bons et fermes esprits, préparés par une instruction solide, soutenus par un patriotique dévoûment.

Les administrateurs prudens de l’université ne disent pas autre chose, et notre enseignement secondaire n’a pas d’autre principal but. Nous pouvons bien le modifier par certains côtés extérieurs ; nous pouvons chercher à le rendre en même temps plus rapide et plus fécond — ce sera tout profit ; nous pouvons essayer de faciliter sa tâche, soit par une meilleure disposition des programmes, soit en créant de nouveaux cadres qui ne laissent aux études classiques que ceux qui veulent en profiter directement ; mais les vrais principes de l’enseignement secondaire sont, chez nous, bien compris et bien observés : nous croyons n’avoir rien à envier à cet égard, ni à l’Allemagne, ni à aucun autre pays étranger.

Cela dit, ne retenons pas l’enseignement secondaire trop à