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La triple condition d’une grande fertilité s’y rencontre : un sol profond, des eaux abondantes et la chaleur tropicale. Le coton, l’indigo, le riz, et dans quelques parties le café, le poivre, le gingembre et la noix de gourou y poussent naturellement ; on récolte du blé, de l’orge et des dattes dans la zone qui avoisine le désert, et partout du mil, dont les variétés sont très nombreuses, du maïs, du sorgho, du doura, dudoukhn, des patates douces, des ignames, des pastèques, des oignons, des fèves et des haricots. Également, sur la lisière du désert, existent de grandes forêts de gommiers ; le caoutchouc et l’ébénier ne sont point rares dans les forêts de l’intérieur. Le tabac est l’objet d’une culture générale : l’usage en est aussi répandu qu’en Europe, sauf dans les pays tels que le Massina, où le fanatisme religieux le proscrit comme un péché. Les graines et les fruits oléagineux sont multipliés plus qu’en aucune autre partie du monde. En première ligne se place l’arbre à beurre (bassia Parkii), qui est l’essence dominante des forêts du Haut-Niger ; viennent ensuite l’arachide et le sésame. Avec les grands troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres des Peuls, les abeilles, qui sont très répandues, les dépouilles d’autruches et l’ivoire, le règne animal offre d’autres ressources au commerce, et les entrailles de la terre, encore inexplorées, semblent devoir fournir un appoint considérable à cette liste déjà longue de richesses. On signale de tous côtés des minerais de fer de bonne qualité, et les montagnes qui bordent le plateau au sud et au sud-ouest contiennent des mines d’or depuis longtemps exploitées ; celles du Bouré, si primitifs que soient les procédés d’extraction des nègres, envoient tant à Tombouctou qu’à Sierra-Leone pour 2 millions de métal par an. Celles du Kong, sur lesquelles on possède beaucoup moins de renseignemens, paraissent être aussi productives et occuper un territoire beaucoup plus étendu. Cet or, l’ivoire, les plumes d’autruche, la cire et les peaux donnent lieu dès maintenant à un mouvement d’exportation.

Cependant l’importance économique d’un pays ne se mesure pas seulement aux richesses naturelles qu’il renferme, mais surtout à la quantité qu’il en peut mettre en œuvre et offrir en échange. Si fertile que soit ce pays, il faut encore qu’il soit cultivé ; si abondans que soient ses produits, il faut encore qu’on les recueille. Grâce à des circonstances politiques plus favorables sans doute, la population est plus dense entre le Niger et le lac Tchad ; on trouve là plusieurs villes qui ont de vingt à soixante mille habitans, comme Kouka, N’gornou, Kano, Sakatou. Dans la partie occidentale, des guerres incessantes, envenimées à la fois par des haines de races et par des haines de religion, ont ruiné de vastes territoires. Bœhm, dans sa statistique, évalue la population totale du Soudan à un peu plus de quarante millions d’habitans. Ce chiffre