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directe, et de revenir par le détour proposé sur Dagana, explorant ainsi deux des variantes du tracé ; la seconde, commandée par M. Jacquemart, lieutenant d’infanterie de marine, était chargée de suivre, de Guédé à BakeI, un itinéraire côtoyant la limite extrême des inondations du Sénégal, qu’il était fort important de déterminer ; la troisième, dirigée par MM. Monteil et Sorin, lieutenant et sous-lieutenant d’infanterie de marine, devait reconnaître le Ferlo. Chacune devait faire le levé du terrain, recueillir des renseignemens sur la nature du pays, leurs ressources, leurs populations et leurs lieux habités, annoncer aux noirs que nous nous disposions à construire sur leur territoire un télégraphe et un chemin de fer, et les convaincre que le but que nous nous proposions était essentiellement commercial et pacifique.

M. Pietri quitta M’pal le 15 décembre 1879, et ayant été appelé à faire partie de la mission du Segou, remit, au milieu du voyage, la direction de l’entreprise à M. Marly, qui rentra à M’pal le 21 janvier. M. Pietri souffrit de la soif. Les chameaux qui portaient les outres, effrayés par l’apparition de quelques girafes, s’enfuirent et perdirent une partie de leur charge. M. Marly, officier d’avenir et fort estimé de ses chefs, mourut quelques jours après son retour. C’est la seule victime que le climat ait faite jusqu’à présent parmi les blancs, déjà nombreux, qui ont été employés aux études du chemin de fer du Niger. De M’pal à Mérinaghen, le pays est plat et abondant en arbres de gros diamètre ; au-delà, dans l’une comme dans l’autre direction, il n’y aura que de simples travaux de déblais et de remblais à faire. L’avantage du tracé direct sur Guédé, c’est qu’on y trouvera des arbres pour les traverses, mais la population y est fort clair-semée pendant l’hivernage et nulle le reste de l’année. C’est le contraire pour le tracé par Dagana : il desservirait plusieurs gros villages, mais il n’y a point de bois de construction. Partout nos officiers ont trouvé la population, qui est composée de Ouolofs et de Peuls, très hospitalière. Sans attendre l’expression de leurs désirs, on leur apportait de l’eau et du lait pour eux et pour leur personnel. Les habitans sont très favorables à l’établissement d’un chemin de fer et sont convaincus qu’il leur sera d’un grand profit pour l’écoulement de leurs produits.

Dans la partie visitée par MM. Pietri et Marly comme dans celle qu’a parcourue M. Jacquemart, la rive gauche du Sénégal a trois sortes de villages. Quelques-uns sont bâtis sur le bord du fleuve, ce qui les rend inhabitables au moment des inondations : on ne s’y tient qu’en saison sèche ; d’autres sur la pente des collines ou sur leurs crêtes ; on les habite toute l’année ; d’autres enfin sur le plateau situé en arrière de la vallée : les pasteurs seuls y résident