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Fangalla, à Goniakorry et à Kita, ce qui transportera notre frontière à 250 kilomètres à peine du Niger. Jamais encore on n’aura vu autant de blancs dans le Soudan, mais l’expérience de l’année dernière est rassurante, elle a permis de constater que le climat est beaucoup moins malsain dans l’intérieur qu’on ne le supposait.

Enfin l’amiral Cloué, reprenant les projets de l’amiral Jauréguiberry, son prédécesseur, avec une ardeur qui peut rassurer les partisans du chemin de fer du Sénégal au Niger, a déposé dans la séance de la chambre du 13 novembre dernier une demande de crédit de 8,552,751 francs pour entreprendre dès la saison 1881-1882 la section de la voie ferrée comprise entre Médine et Bafoulabé. L’exposé des motifs fait ressortir avec beaucoup de vigueur les raisons qui doivent déterminer le parlement. En votant 1,800,000 fr. pour les études et pour les premiers travaux, il s’est moralement engagé à voter ensuite les fonds nécessaires à la construction du chemin de fer. Les nouveaux postes doivent être reliés au plus vite à la colonie du Sénégal, car il serait actuellement impossible d’en secourir les garnisons en cas d’attaque pendant l’hivernage. Ou nous devons occuper Bafoulabé définitivement, et alors il faut construire le chemin de fer ; ou notre influence au Sénégal ne doit pas dépasser Médine, et alors nous devons reculer au plus vite dans nos anciennes limites, si nous ne voulons pas que les noirs, las d’attendre la protection effective que la France leur a promise par des traités, en concluent que nous sommes impuissans à tenir nos engagemens et ne se tournent contre nous. Dès maintenant, cette retraite sur Médine serait un grand coup porté à notre prestige ; plus tard elle amènerait infailliblement un désastre. Il faudra donc prendre une décision définitive cette année. Le rapport de la commission du budget pour 1881, qui a été déposé le 15 novembre dernier, en faisant prévoir que dans la nouvelle émission de 3 pour 100 amortissable qui va être faite, 9 millions seront réservés pour le Sénégal, permet d’annoncer dès maintenant ce qu’elle sera. Il s’agit d’affermir nos possessions d’Afrique, de décupler notre domaine colonial, de donner à la France, condamnée en Europe à une réserve systématique, un champ presque illimité pour ses forces d’expansion, d’assurer à notre influence l’espace auquel le rôle historique de notre race lui donne droit dans le partage du globe entre les diverses races européennes ; cette décision ne saurait être un moment douteuse. Ajoutons que les Anglais, eux aussi, s’occupent de pénétrer au Soudan par le cap Juby, par la Gambie et par Sierra-Leone. Nous avons pris l’avance, sachons la garder.


PAUL BOURDE.