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provoquées, un peu de cette lumière qu’on avait vainement demandée dans la chambre des députés. Ce qu’il y a de clair maintenant, c’est que la retraite de M. de Freycinet n’a pas été aussi insignifiante que le nouveau président du conseil a bien voulu le dire. Ce qu’il y a de parfaitement évident, c’est que le changement de ministère a été en même temps une modification dans la « direction des affaires publiques, » et que cette crise du mois de septembre marque justement l’heure d’une accélération nouvelle dans un mouvement qui se déroule depuis deux ans, qui a déjà dévoré plus d’un chef de cabinet, qui va on ne sait où parce qu’il n’a ni règle ni mesure. C’est là ce que prouve cette instructive discussion du sénat, engagée d’une parole serrée et ferme par M. Buffet, soutenue avec plus de suffisance que de tact par M. Jules Ferry, éclairée par les explications de M. de Freycinet aussi bien que par l’intervention de M. Laboulaye et de M. Jules Simon.

Tous les secrets n’ont peut-être pas été dits. Il reste du moins un fait avéré, incontesté, qui est comme le point de départ de la phase nouvelle où sont entrées les affaires intérieures de la France. Il y a eu un moment où deux politiques se sont trouvées en présence et où c’est la politique la plus prévoyante, la moins hasardeuse, si l’on veut, qui a été vaincue dans le conflit. Assurément M. de Freycinet avait l’idée la plus juste et la plus raisonnable lorsqu’après avoir cédé à des obsessions, à des pressions dont il sentait lui-même le danger, il se proposait de s’arrêter, de modérer l’emportement des passions. Il était dans la vérité lorsqu’il se disait que, sous un régime qui est la paix de l’état et de l’église réglée par un concordat, ce qu’il y avait de plus simple était de chercher à s’entendre par des négociations ou par des « communications, » peu importe le mot, avec le chef du gouvernement religieux qui est au Vatican. Avoir un ambassadeur de France auprès du pape et un nonce apostolique à Paris pour ne pas traiter des affaires religieuses, c’est, en effet, un défaut de logique, un non-sens que l’ancien président du conseil a raison de ne pas comprendre. M. de Freycinet montrait certainement la prudence d’un homme d’état en se préoccupant de dégager du conflit la dignité, la sûreté des consciences religieuses, en se défendant des guerres à outrance, des actes qui ressembleraient à une persécution, et en se disant que, s’il y avait un moyen d’éviter le danger soit par des négociations avec Rome, soit par une loi nouvelle sur les associations, il fallait prendre ce moyen. C’était toute une politique sensée, réfléchie, trop peu apparente peut-être, suffisamment résumée néanmoins dans le discours de Montauban, et de plus, en agissant ainsi, en négociant ou en communiquant avec Rome, M. de Freycinet ne faisait rien d’irrégulier, comme on l’a laissé supposer quelquefois. La marche qu’il se proposait de suivre, qu’il suivait déjà, n’était inconnue ni de M. le président de la république ni de ses collègues, qui ne l’avaient pas désapprouvé dans ses tentatives. Pourquoi donc tout