comme un enfant ; il me semblait depuis bien longtemps, mon Aimée, que mon attachement pour toi ne pouvait plus s’accroître, mais ce dernier voyage m’a donné la certitude du contraire…
Dresde, 18 mars 1813.
Ta lettre m’est parvenue sur les minuit ; je me suis endormi après sa lecture, et pendant tout mon sommeil j’ai été dans mes rêves avec toi et nos enfans. Louis est à dada, nos deux petites me tiraient par le nez pour que je m’occupe toujours d’elles. Aimée était avec Jules sur mon autre genou, et c’était d’elle que j’étais le plus occupé.
Hambourg, 13 août 1813.
Au lendemain d’une visite de la maréchale pendant l’armistice. — Ma chère Aimée, j’ai éprouvé, le dernier mois qui vient de s’écouler, que plus je te connaissais et plus- mon amour et mon attachement pour toi s’augmentaient : je conserverai bien longtemps le souvenir des vingt jours que j’ai passés avec toi et nos deux filles. J’étais très ému en me séparant de vous ; j’ai cherché des distractions, j’ai parcouru toute l’île de Wilhemsbourg, le beau parc qui est achevé ; j’étais parvenu à mon objet ; mais en rentrant ici, mon émotion et ma peine se sont renouvelées très vivement. J’ai cru entendre, étant à causer avec quelques officiers, un cri d’une de nos petites, je me suis levé précipitamment pour courir ; la réflexion m’a arrêté…
Schwerin, 26 août 1813.
J’ai passé toute la nuit avec mon Aimée et nos enfans. Je ne regrette pas cette illusion, puisque ce sont les seuls plaisirs que je puisse goûter loin de toi. Nous célébrions ta fête, celle de Louis et la mienne : j’ai dû faire des impromptus que tu as beaucoup applaudis, et qui l’ont étonnée, ne me connaissant pas poète. Je regrette de les avoir oubliés, je te les transcrirais. Je me rappelle que j’avais dans ce moment l’amour-propre de tous les poètes : je trouvais ces impromptus charmans !
Vous avez remarqué sans doute par l’histoire des héros de tous les temps qu’il est un certain ordre de superstitions qui, bien loin d’être une marque d’imperfection, est au contraire un indice de souveraine élévation d’esprit ou d’extrême puissance d’amour. Le vulgaire des incrédules y voit le point de faiblesse par où les hommes rares se rattachent à la commune humanité, les esprits mieux avisés sont tentés d’y voir au contraire, le point par où ils s’en séparent. Non-seulement l’âme du maréchal se complaisait aux rêves, mais nous la surprenons en quasi-flagrant délit de superstition de tendresse. Le troisième volume de ces Mémoires nous en présente un exemple à la fois lugubre et charmant.