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Tréguier, 19 mars 1831.

Après eus mois écoulés depuis que Natalie m’a fait part de votre départ pour Tréglamus, j’ai un petit moment à moi pour vous exprimer, ma chère et bien bonne amie, toute la part que je prends à votre triste position. L’état de souffrance où vous êtes me pénètre le cœur ; il a fallu que des circonstances bien impérieuses m’aient empêchée de vous écrire. La mort d’un neveu, fils aîné de ma défunte sœur, nous a plongés dans la plus vive douleur. Peu de jours après, le pauvre petit Ernest, fils de ma fille aînée et frère d’Henriette, ce petit pour lequel vous aviez tant de bontés et qui ne vous a pas oubliée, est tombé malade. Il a été quarante jours entre la mort et la vie, et nous sommes au cinquante-cinquième jour de sa maladie, et sa convalescence n’avance pas. Le jour, il est passablement, mais les nuits sont cruelles pour lui ; agitation, fièvre, délire, voilà son état depuis dix heures du soir jusqu’à cinq ou six heures du matin, et constamment tous les soirs. C’est assez parler pour ma justification à l’amie à laquelle je m’adresse ; son cœur m’est connu ; son indulgence m’excusera. Que ne suis-je auprès de vous, ô mon amie, pour vous rendre les soins que vous m’avez prodigués avec tant d’amitié, de zèle et de bienveillance ! Toute ma peine est de ne pouvoir vous être utile.


20 mars.

On m’a cherchée pour me rendre auprès de mon petit chéri ; j’ai été obligée d’interrompre mon entretien avec vous. Je reprends, ma chère et bien bonne amie, pour vous exhorter à mettre en Dieu seul toute votre confiance ; il nous afflige, mais il nous console par l’espoir d’une récompense bien au-delà et sans proportions avec ce que nous souffrons. Prenons courage ; nos peines, nos douleurs ne sont que pour un temps limité par sa providence, et la récompense sera éternelle.

La bonne Natalie m’a fait part de votre soumission, de votre patience et de votre résignation dans les peines les plus aiguës. Ah ! je vous reconnais bien à ces beaux sentimens ! Pas une plainte, me marque-t-elle, dans les plus grandes souffrances. Combien, ma chère amie, vous êtes agréable et chère à Dieu par votre patience et votre résignation à sa sainte volonté ! Il vous afflige, car il châtie ceux qu’il aime. Être aimée de Dieu, y a-t-il un bonheur comparable ? Je vous envoie l’Ame sur le Calvaire ; vous trouverez dans ce livre des motifs d’une bien grande consolation par l’exemple d’un Dieu souffrant et mourant pour nous. Mme D* aura la complaisance, si vous ne pouvez lire vous-même,