pour vous exprimer toutes les impressions qu’il m’a fait ? Tout bon François doit verser des larmes en le lizant et tout bon patriote en doit verser de sang. — Souffrez que je vous rappelle qu’étant en Suisse, j’eus l’honneur de vous envoyer quelques foibles idées de patriotisme, une espèce de projet ou d’apperçu informe pour prouver que l’administration des finances demandoit une nouvelle forme. Je voyois comme au travers d’une glace à facettes une quantité d’abus de mauvaises gestions, de rapines, de foiblesses… Rien n’est si rebutant pour un bon sujet et bon patriote que de voir de pareilles menées. Aussy j’ay pris mon parti ; j’ay dit pour toujours adieu à la cour ; j’y serois fort inutile, ma franchise et mon âge fort déplacés. Si j’étois assez connu de vous, monsieur, vous ne douteriez pas de la sincérité et franchise avec laquelle je m’exprime. Elles partent d’un cœur vraiment touché et admirant votre mérite peu commun.
Un grand nombre de femmes de la cour ne se montraient pas moins favorables à M. Necker.
Jamais surintendant ne trouva de cruelles,
a dit Boileau ; mais ce n’est point ainsi qu’il faut l’entendre de M. Necker, et s’il eut les femmes pour lui (chose rare pour un ministre réformateur), il faut l’attribuer en partie à cette mode qui les poussait à prendre vivement parti dans des questions peut-être un peu au-dessus de leur portée, comme elles l’avaient fait dans la question du commerce des grains, à la suite de l’abbé Galiani. Au premier rang de ces tenantes de M. Necker étaient la maréchale de Beauvau, qui, discourant avec vivacité dans son salon sur l’égalité des conditions, s’offusquait bien un peu de ce qu’un avocat profitât de sa distraction pour puiser sans façon dans sa tabatière, mais qui, à travers l’épreuve des événemens, demeura fidèle à ses amis comme à ses opinions ; la duchesse de Lauzun, dont on n’a pas oublié la lettre enjouée où elle confesse s’être prise de querelle aux Tuileries avec un promeneur inconnu qui médisait de M. Necker ; la princesse d’Henin, qui sera plus tard une des meilleures amies de Mme de Staël ; la duchesse de Bohan, née d’Uzès, qui, apprenant la retraite de M. Necker, lui écrivait « que c’était comme citoyenne qu’elle s’affligeait ; » la comtesse de la Marck, née Noailles, une des correspondantes de Gustave III ; la duchesse d’Enville, qui, depuis le temps où elle avait fait la connaissance de Mme Necker sur les bords du lac de Genève, n’avait pas perdu le goût des philosophes. J’en pourrais nommer bien d’autres ; mais plutôt que de continuer cette nomenclature, j’aime mieux choisir, parmi ces témoignages d’enthousiasme féminin, deux lettres qu’on