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vainquit sur les mers les ennemis de Rome. Qu’est devenu cet engin de guerre ? Il a passé, comme emblème d’un oiseau de proie, sur les étendards d’Odin à l’époque des Carlovingiens, et ce symbole du courage barbare a fait plus que les mécanismes les plus ingénieux pour mener les hommes du Nord à la conquête des territoires et des champs fertiles. Au moyen âge, le feu grégeois fut l’effroi des marins, et le secret de ce feu, qui précéda la poudre à canon, fut regardé comme « un secret d’état. » À bord des vaisseaux, on l’a promptement remplacé par l’artillerie, et le feu grégeois, « qui répandait la terreur, » n’est plus qu’une vieillerie sans intérêt. Sur terre, de nos jours, la carabine de précision et les canons rayés ont été jugés d’abord irrésistibles. On a attribué à la carabine Minié la prise de Rome et aux canons rayés la victoire de Solférino. Aujourd’hui ces engins sont fort arriérés. La carabine ne compte plus. Le canon rayé est distancé par une nouvelle artillerie. Puis nous avons vu surgir le fusil à aiguille, dont l’invention a été bientôt supplantée par le chassepot, qui, après avoir « fait merveilles, » a été remplacé par ses dérivés. Un clou chasse l’autre. Le moment viendra où de nouveaux « perfectionnemens » ôteront aux torpilles l’intérêt de l’inconnu. Déjà on les a tant de fois bravées, sans accident, qu’elles commencent à inspirer moins d’effroi. Par le fait, c’est une arme très délicate. Elle échappe aux meilleures combinaisons, et l’on n’est pas parvenu à les faire éclater sûrement quand leur explosion serait utile.

Tout calculé, l’expédient des batteries flottantes fut écarté. On avait reconnu la nécessité de les douer d’une vitesse au moins égale à celle des vaisseaux ; de les cuirasser, de les armer très puissamment, de les mettre en état de tenir la mer par un gros temps ; il fallait, en un mot, réunir en eux toutes les facultés de bâtimens destinés à la grande navigation et au combat. Autant valait construire une flotte. Les Italiens l’ont compris et se sont résignés à en faire les frais.

Pour construire des vaisseaux, il faut des chantiers, des ateliers, des outils de toute sorte ; pour les tenir à flot, des darses et des bassins ; pour les armer, tout un ensemble d’instrumens : forges, grues, marteaux et le reste. Les navires achevés, il faut les abriter, lorsqu’ils sont désarmés, contre les attaques de la mer et les désordres de la tempête, il faut enfin leur assurer un refuge contre un ennemi victorieux et les placer sous la protection de défenses sérieuses. Au moment de commencer une flotte, la première chose à faire était donc de créer des arsenaux.

Le choix des localités n’était pas douteux. La nature et la tradition les avaient indiquées.

Gènes et Venise d’abord. Leur passé répondait de leur avenir.