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pourrait tenir tête à une escadre. » Nous ajouterons : C’est possible, mais tout dépendra de la manière de s’en servir. Ce n’est pas seulement le fer, c’est le cœur et la tête des marins qui font la force et le succès d’un bâtiment dans les batailles navales. Le Duilio a coûté au moins 14 millions. Trois autres vaisseaux sont en cours de construction ou d’armement : Dandolo, Italia, Lepanto. Nonobstant les promesses ou les espérances du ministre, nos voisins n’étaient pas encore complètement satisfaits des dimensions et de la force du Duilio. Il a 103 mètres de longueur et 20 mètres à peu près de largeur. L’Italia a 122 mètres de long sur 23 mètres de large. Le Duilio a 10,600 tonnes de déplacement ; l’Italia en a 14,300. Le tirant d’eau moyen du Duilio est de 7m, 90. L’Italia plongera sa carène en charge à 8m, 50. Imaginera-t-on pour l’armer des canons de plus de 100 tonnes, pour le protéger des cuirasses d’une épaisseur plus forte que 0m,55 ? Où se terminera cette course au clocher ou plutôt cette course à la ruine ? Beaucoup d’Italiens croient qu’il conviendrait de s’arrêter, dès à présent, dans la construction des Duilio de l’avenir. Le nombre des bâtimens de la flotte devait, dans l’origine, comprendre seize vaisseaux, dix frégates et corvettes, six avisos, cinq canonnières, vingt-quatre navires de flottille. Inutile d’en indiquer les noms. Ce sont toujours les mêmes dans toutes les flottes. Il semble qu’on croie communiquer aux bâtimens de mer, avec leurs noms, les qualités que ces désignations comportent. C’est une puérilité des puissances qui rappelle les enfantillages de la vieille civilisation chinoise. Le terme des travaux de construction est l’année 1888, peu après l’époque où la Prusse achèvera ceux de sa flotte. Réunies, les deux marines formeraient une armée très imposante, et capable, par le nombre et la force des navires, de soutenir une lutte même avec l’Angleterre. Quelques bâtimens d’un rang inférieur semblent réaliser certains perfectionnemens que le ministre a présentés comme de très grandes nouveautés. Tel est, par exemple, le Pietro-Mica, dont la chambre italienne a entendu faire d’avance un éloge peut-être un peu emphatique et qu’il ne faut encore accepter que sous bénéfice d’inventaire. On se serait efforcé de donner à ce navire, construit à Venise, le double caractère d’un navire ordinaire de combat et d’un torpilleur. D’autres bâtimens de même modèle sont, dit-on, en chantier. Le matériel de la marine étant ainsi terminé, il ne restera qu’à l’armer en y embarquant les équipages et les états-majors.

M. Depretis, ministre des finances, disait un jour, dans le parlement, en présentant le budget ; « Pour constituer une bonne marine militaire, deux choses sont nécessaires : des navires de guerre bien construits, une bonne conduite de ces bâtimens et un