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cou en prenant les précautions qui empêcheront le courant de dériver vers les régions supérieures.

Ces accidens que les chirurgiens doivent toujours redouter pour leurs malades, les physiologistes les rencontrent dans leurs opérations sur les animaux, et ils font tous leurs efforts pour les écarter, bien que leur sentiment d’humanité et leur responsabilité morale soient beaucoup moins engagés. Les moyens qu’ils emploient pour en écarter l’imminence sont susceptibles de fournir d’utiles indications à la chirurgie. Un procédé qui nous a réussi à nous-même consiste à injecter à l’animal une dose modérée d’atropine. A partir de ce moment, l’on n’a, pour ainsi dire, plus besoin de surveiller le cœur : le péril de la syncope est prévenu. La théorie donne l’explication satisfaisante de l’immunité acquise par ce moyen. On sait en effet depuis longtemps que l’atropine agit sur l’appareil modérateur du cœur et le paralyse ; l’excitation chloroformique ne peut plus rien sur ce rouage inerte ; elle ne risque plus d’en exagérer l’action. C’est par quelque cause de ce genre que l’on pourra expliquer l’innocuité relative du chloroforme dans les opérations pratiquées par les oculistes sur des malades déjà soumis à la médication atropique.

Dans l’impuissance où l’on est le plus souvent de réparer le mal, il a fallu songer à l’éviter. On a rassemblé les documens relatifs à chaque accident particulier, et l’on a cherché à déduire de l’analyse des circonstances les contre-indications de l’anesthésie.

Les progrès de la chirurgie multiplient chaque jour la précision de ces informations et fournissent à l’homme de l’art les moyens d’asseoir un jugement plus sûr. Il établit, suivant l’heureuse expression des Anglais, la balance des risques et des avantages, et il se décide en connaissance de cause. Les motifs qui militent pour l’anesthésie prévalent habituellement, et, en fait, il se pratique un très petit nombre d’opérations douloureuses sans éther et sans chloroforme. Parmi celles qui s’aident du secours de ces agens, bien peu ont une issue funeste. C’est trop encore ; aussi les chirurgiens contemporains ont-ils suivi avec une extrême attention les tentatives qui ont été faites récemment pour perfectionner la méthode anesthésique.


III

Le nombre des substances capables de produire l’anesthésie est pour ainsi dire illimité. L’éther et le chloroforme ne possèdent pas, à cet égard, un privilège unique, isolé, et pour ainsi dire