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et du thermocautère, deux instrumens précieux de l’arsenal du chirurgien. Pour avoir passé outre à ces défenses, quelques opérateurs ont provoqué des accidens déplorables.

Le bromure d’éthyle n’a pas ces inconvéniens. Sa volatilité est comparable à celle de l’éther et il produit une réfrigération aussi grande en s’évaporant à la surface de la peau ; mais ses vapeurs ne risquent pas de s’embraser à la flamme du foyer ou de la bougie, ou au contact du couteau rougi. Si, comme l’a fait M. Terrillon, on le substitue à l’éther dans l’appareil à pulvérisation, on détermine en deux ou trois minutes sur les points de la peau touchés par le jet une plaque blanche et chagrinée qui peut être incisée sans douleur. Les vapeurs qui se répandent dans l’appartement sont sans danger pour le malade et pour les opérateurs, car, à l’inverse de l’éther, elles n’exercent aucune espèce d’irritation sur les bronches et sur la peau.


V

L’histoire des anesthésiques commence et finit au protoxyde d’azote ; l’emploi de ce gaz a marqué les premiers débuts de la méthode et il caractérise aujourd’hui ses derniers perfectionnemens. Sa propriété d’éteindre la sensibilité à la douleur, aperçue par Humphry Davy au commencement du siècle, retrouvée en 1844 par H. Wells, a été utilisée depuis lors pour les opérations de la chirurgie dentaire en Amérique, sur le continent et, on peut le dire, dans le monde entier. Un détail pourra donner l’idée de l’extrême popularité de cet agent. Dans un seul établissement de New-York, celui de Colton, on a insensibilisé par le protoxyde d’azote un peu plus de quatre-vingt-dix-sept mille personnes dans une période de treize ans, du mois de février 1864 au mois de mai 1877. — Aucun accident grave n’a été signalé. Les chirurgiens cependant ne tiraient aucun service d’un procédé qui ne produisait l’insensibilisation que pour quelques secondes. Le protoxyde d’azote, exclu de la grande chirurgie, restait donc confiné dans la pratique des dentistes et paraissait n’en devoir jamais sortir, lorsque M. P. Bert fit connaître en 1878 une méthode nouvelle qui en accroissait singulièrement la puissance et en étendait indéfiniment les applications.

Il faut observer que, dans la pratique des inhalations anesthésiques, c’est toujours un mélange respirable qui pénètre dans les poumons, — mélange d’air atmosphérique avec la vapeur de l’éther ou du chloroforme, — permettant à la fonction respiratoire de s’exercer librement, hors de tout risque d’asphyxie. La première