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Les bibliophiles possèdent la Bible de Holbein, la Bible du Petit-Bernard, la Bible de Virgile Solis, la Passion d’Albert Dürer, la Bible de Jost Amma, la Bible attribuée à Jean Cousin, la Bible de Romeyn de Hooghe, la Bible de Marillier, la Bible de Gustave Doré et quelques fascicules de la Bible de Bida. Deux éditeurs belges, MM. Merzbach et Falk, ont eu la bonne idée d’ajouter à toutes ces bibles la Bible de Rubens. C’est la réunion de quarante estampes gravées par les procédés héliotypiques d’après les plus beaux tableaux de Rubens ayant trait à l’Ancien et au Nouveau-Testament. Le livre s’ouvre avec la Chute des Anges rebelles et se ferme au Jugement dernier. L’histoire sacrée est complète.

Des livres d’un intérêt plus spécial, mais non moins sérieux, sont les Maîtres ornemanistes de M. D. Guilmard, avec introduction du baron Davillier, et les Dessins de décoration des principaux maîtres, reproduits sous la direction de M. Ed. Guichard, avec une notice et une étude sur l’art décoratif par M. Ernest Chesneau. De ces deux ouvrages presque analogues, le premier est plus historique, le second plus technique. L’un comble une lacune de l’histoire de l’art, l’autre est comme la grammaire illustrée de la décoration intérieure. M. le baron Davillier a écrit l’histoire sommaire de l’ornementation, depuis le lotus des Égyptiens et l’acanthe des Grecs jusqu’à la chicorée des gothiques, aux entrelacs des Arabes et aux rinceaux du XVIIIe siècle ; M. Ernest Chesneau a posé les principales règles esthétiques de l’art décoratif. Chacun de ces deux livres est attrayant à feuilleter et utile à consulter. Le texte commente les gravures, les gravures éclairent le texte. Voulez-vous des idées et des modèles ? Voici des panneaux de Bérain, de Ch. de Lafosse, de Prieur, des surtouts de Feuchère, des cartouches de Lebrun, un mascaron d’Eugène Delacroix, des tables et des commodes de Boule, des bahuts de Du Cerceau, une poignée d’épée de Woeriot, des trumeaux de Meissonnier, des vases de Fontanieu, des grilles de Fondrin, des cheminées d’Abraham Bosse, des torchères de Marot, des guéridons et des consoles de Lepautre et de Lalonde. Avec de pareils guides, on s’étonnerait que l’art décoratif contemporain n’évitât pas les fautes de goût, les anachronismes et les barbarismes qu’il commet trop souvent. Les arts industriels, d’ailleurs, se sont bien relevés depuis quinze ans. S’ils n’ont pas créé de formes nouvelles, ils ont imité avec intelligence les œuvres des admirables ouvriers qui, du XIVe siècle à la fin du règne de Louis XVI, se sont succédé sans interruption. Puisque l’art décoratif semble irrémissiblement condamné à ne rien inventer, au moins qu’il atteigne au dernier degré de la perfection dans la copie des modèles du passé.


HENRY HOUSSAYE.