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élémens de toute sorte. Pour ce qui est du procédé de contrôle et d’examen public, on en prend vraiment trop à l’aise. Par un usage tellement invariable depuis quelques » années qu’il ressemble à un système, on s’accoutume à traiter la loi des finances comme l’affaire la moins importante du monde. Est-ce la faute du gouvernement ? est-ce la faute de la commission du budget ? est-ce l’effet d’une tactique savamment calculée par laquelle on réserverait, avec intention, jusqu’au bout, l’omnipotence parlementaire sur les dépenses et les recettes publiques, au risque de brusquer au dernier moment et la discussion et le vote ? La vérité est que jusqu’ici on a pris son temps et que, soit préméditation, soit négligence, tout s’est combiné de façon à nécessiter une session supplémentaire. On n’est jamais pressé pour le budget, et le rapporteur de la commission du sénat, M. Cordier, sans y mettre aucune malice, pouvait dire récemment : « Ce n’est que le 12 juillet, — à la veille des vacances, — que nous avons été saisis du projet de loi portant fixation des dépenses de l’exercice 1881. Quant au budget des recettes, on a dû détacher de l’ensemble du projet de loi la partie relative aux contributions directes qui a été votée ; le surplus attend encore les décisions de la chambre des députés. » La conséquence de ce procédé est malheureusement évidente, elle apparaît encore à l’heure qu’il est. On arrive à la fin de l’année après un travail partiel et décousu, sans avoir le temps ou l’occasion d’embrasser l’ensemble du budget et de la situation financière, de mettre en regard les dépenses et les ressources publiques. Une discussion sérieuse n’est plus de saison, elle est à peine écoutée, et le contrôle des pouvoirs constitutionnels se borne à une sorte d’enregistrement sommaire. Que le sénat ait la prétention de modifier, de réduire ou de restituer quelques crédits, ces modifications vont à la chambre des députés qui se fait un point d’honneur de ne pas les accepter, — et à la dernière extrémité, pour ne pas susciter un conflit, le sénat n’a plus qu’à s’incliner, en rétractant son vote de la veille. Cela se passe ainsi d’habitude, et c’est à peu près inévitable, car le moment fatal arrive, la fin de l’année est là ! M. le ministre des finances intervient tout au plus avant le vote pour offrir, comme dédommagement, un tableau flatteur des progrès de la richesse publique, des bienfaits du régime, — et un budget de près de 3 milliards est expédié au pas de course III faut convenir qu’avec ce procédé invariable d’ajournement jusqu’à la dernière heure on s’accoutume à traiter un peu légèrement une des plus sérieuses affaires du pays et que, faute d’attention, par suite d’une certaine infatuation, on s’expose peut-être à d’étranges méprises.

Ce n’est point sans doute que cette situation financière de la France, qui a son expression dans un budget si lestement expédié, offre par elle-même rien d’alarmant. Elle est au contraire dans son ensemble