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comme Bossuet et comme Bourdaloue, d’un coup de maître, au cœur de son sujet. Mais il investit la place, conformément aux règles de l’art, par des approches successives et des cheminemens réguliers, toujours les mêmes. Je ne veux pas le prendre à son désavantage, mais au contraire dans un de ses meilleurs sermons. Supposez donc qu’il veuille tracer un tableau de la mort du pécheur[1]. Il remarque ingénieusement que, de quelque côté que « cet infortuné tourne les yeux. » Il ne voit rien que d’accablant et de désespérant : 1° dans le passé, 2° dans le présent, 3° dans l’avenir. C’est une première division : les souvenirs de la vie passée, les souffrances du moment présent, les terreurs de la vie à venir. Le reste va suivre comme nécessairement. Arrêtons-nous aux souffrances du présent. C’est une surprise pour la plupart des hommes que l’approche de la mort, c’est une séparation, c’est un changement d’état. Deuxième division : 1° les surprises du pécheur mourant, 2° les séparations du pécheur mourant, 3° les changemens du pécheur mourant. Un peu plus outre encore ; Il pousse la subdivision et découvre bientôt qu’il y a six surprises, sept séparations et quatre changemens, soit en tout dix-sept paragraphes, de longueur à peu près égale. Ils y sont. Vous pouvez les compter. Voyons les séparations. Le pécheur mourant se sépare : 1° de ses biens, 2° de sa magnificence, 3° de ses charges et de ses honneurs, 4° de son corps, 5° de ses proches, 6° du monde, 7° de toutes les créatures. C’est une troisième division. Encore plus avant. Car, au fait, pourquoi ne subdiviserions-nous pas à leur tour ces idées de fortune et de magnificence ? Quels sont, par exemple, les témoins de la magnificence des riches de ce monde ? Ce seront : 1° l’orgueil de leurs édifices, 2° le luxe et la vanité de leurs ameublemens, 3° cet air d’opulence enfin au milieu duquels ils vivent.

Nous sommes au bout. Remontons maintenant.

Chacune de ces idées peut fournir une phrase. Une phrase donc sur les édifices, une phrase sur le luxe, une phrase sur l’air d’opulence. Trois phrases, ou quatre, qu’il n’est même plus besoin de souder, et qu’il suffit de juxtaposer, font un paragraphe. Un paragraphe donc sur les séparations d’avec les magnificences, un paragraphe sur les séparations d’avec les biens de fortune, un paragraphe sur les séparations d’avec les charges et les honneurs, et les quatre autres que l’on a vus ; total : sept paragraphes sur les séparations. Sept paragraphes sur les séparations, à leur tour, font un développement, mais déjà six paragraphes sur les surprises en faisaient un premier, et quatre paragraphes sur les changemens en

  1. Sur la mort du pécheur et la mort du juste.