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Brincourt, étaient devenus plus orgueilleux que jamais. La levée du blocus autrefois établi sur tous les points de la côte, qui avait été comme le don de joyeux avènement de l’empereur Maximilien, leur avait déjà donné environ 200,000 piastres, ce qui leur avait permis de lever de nouvelles troupes et de les bien payer. La Frontera venait de se prononcer pour eux, et ils y avaient rétabli comme autrefois la douane de Tabasco. Carmen ne devait pas bouger tant qu’il y aurait un bâtiment français, mais il s’y produisait une certaine opposition contre le préfet politique et militaire, le général Marin. Carmen est une île facile à défendre. Elle était précieuse parce qu’elle pouvait devenir un point de concentration pour nous, la lagune de Termines communiquant avec le Tabasco par plusieurs arroyos. Campêche et le Yucatan, soumis au mois de janvier précédent, demeuraient tranquilles, mais en rêvant leur affranchissement, et tandis que les anciens chefs qu’on en avait chassés s’occupaient à Cuba de l’achat d’armes et de munitions de guerre, les autres chefs, — le général Navarrete en tête, qui avait le plus contribué, en se prononçant, à donner le Yucatan à l’empire, — mis de côté par le gouvernement de Mexico, étaient bien capables de faire de nouveau volte-face et de se déclarer contre lui au premier jour.

Tel était l’état de la côte, et malheureusement, pour venir à bout de la tâche de surveillance et de mouvemens continuels qui lui incombait, la division navale du golfe du Mexique n’avait qu’un nombre restreint de bâtimens, peu aptes, il faut l’avouer, par leurs qualités nautiques, au rude service qu’on exigeait d’eux. De Vera-Cruz à Rio-Grande, ils ne pouvaient que porter des troupes à un point donné, sans y séjourner eux-mêmes, car, sur toute cette côte et dans la saison qui s’ouvrait, les navires sont en perdition et doivent prendre le large dès que le mauvais temps s’annonce. Pour peu que l’on tarde, on est forcé de filer ses chaînes et d’abandonner ses ancres sur le fond. C’est ainsi que le Colbert avait fait de graves avaries dans un coup de vent en venant de Tampico, et que le transport la Drôme avait mis dix jours à pouvoir communiquer quelques heures avec Tampico et Tuspan, sans toutefois parvenir à mettre à terre quelques chevaux qu’elle avait à bord. A Vera-Cruz, où le service du port était très actif, les moyens pour y faire face étaient insuffisans, puisque, faute de pouvoir décharger dans le temps convenu les navires de commerce qui arrivaient pour le compte du gouvernement,.on était obligé de payer de fréquentes indemnités. Ce n’était donc pas le moment de diminuer, en les renvoyant à la Martinique, comme on semblait en avoir l’intention, les matelots créoles qui faisaient le service à Vera-Cruz, d’autant moins qu’ils étaient un renfort éventuel à la garnison dans le cas d’une tentative sérieuse des guérillas contre la ville. A l’est