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Toutes les oppositions sérieuses avaient disparu, et il ne resterait plus que les troupes de bandits explorant les grandes routes, inconvénient dont on prenait son parti et dont on ne triompherait qu’avec les années, le métier de brigand paraissant être dans le sang de la population actuelle du Mexique.

Naturellement, si ces illusions existaient au Mexique, elles existaient bien plus encore à Paris et devaient malheureusement y persister beaucoup plus longtemps. Elles étaient si grandes que le gouvernement, qui venait de recevoir des négocians et des habitans de Tuspan, comme hommage reconnaissant, des idoles aztèques, envoyait par réciprocité une mission scientifique, toute chargée de travaux futurs. Ce n’était plus, en effet, du Mexique guerrier qu’il s’agissait, mais bien du Mexique agricole, aurifère, minéralogique, qu’on allait explorer et utiliser.

Telle était la situation à la fin de l’année 1864, ou plutôt au commencement de février 1865. Si assurée et si florissante qu’on s’efforçât de le croire, on n’osait cependant y toucher. Il en était comme de ces monumens fragiles qui peuvent s’écrouler dès qu’on y met la hache pour les consolider. Ainsi il avait toujours été question jusque-là de compléter l’expédition d’Oajaca par celle de Tabasco. Le moment était venu de cette dernière, et cependant on l’ajournait. Elle était, il est vrai, moins facile. On sait déjà que le départ du Finistère et du Darien privait la marine de cent soixante-dix hommes de débarquement, sur lesquels elle avait d’abord compté. Puis les eaux du Grijalva et du Chillepèque avaient baissé et il n’était point sûr qu’on pût remonter avec les canonnières jusqu’à San-Juan-Bautista. La place elle-même avait eu tout le temps de se préparer. Elle était entièrement entourée de fossés, les rues barricadées, les quadras percées partout de meurtrières et enfin le cerro de la Incarnation régulièrement fortifié de quinze pièces d’artillerie dont deux du calibre 68. Toutefois la ville était livrée à un certain désordre. Le général Mendez n’y était pas obéi et allait, disait-on, être remplacé par Benavides, un des généraux qui avaient empêché l’armée mexicaine de donner à la première attaque de Puebla, que le général Almonte avait fait exiler, mais que le bruit public déclarait expérimenté et capable de s’attacher les populations. Quelques chefs, une partie de la population étaient prêts, assuraient d’officieux entremetteurs, tels qu’un médecin russe établi à Carmen et tué misérablement depuis, le docteur Engelhard, à se prononcer pour nous dès que nous paraîtrions. Ce qu’il y avait de plus sûr, c’étaient quatre cents marins que la marine avait à mettre à terre avec une batterie de six pièces de montagne. En joignant à cela le 2e zouaves, car il fallait absolument des hommes habitués à se sentir les coudes, tout irait bien.