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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1880.

Dix années sont déjà passées depuis que la France est sortie mutilée des convulsions de la guerre étrangère et de la guerre civile, ayant tout à la fois à se relever devant le monde et à se reconstituer dans sa vie intérieure. Plus de cinq années se sont écoulées depuis que tout un ensemble de circonstances a fait accepter la république comme le régime définitif du pays et qu’une assemblée souveraine aux instincts tout monarchiques a été conduite à consacrer elle-même l’existence de cette république par le vote d’une constitution. Il y a plus de trois ans maintenant que les républicains, vainqueurs dans une lutte aveuglément engagée, ont été appelés sans partage au pouvoir, au gouvernement de la république, où ils ont porté leur esprit, leurs passions et leur politique.

Consentie en fait et acceptée comme le seul régime possible au lendemain de 1871, légalement organisée et sanctionnée en 1875, définitivement émancipée de toutes les anciennes influences en 1877, débarrassée de la présidence de M. le maréchal de Mac-Mahon en 1879, la république a passé ainsi par une série d’évolutions aux mains de ceux qui ne déguisent plus aujourd’hui l’ambition d’être les seuls maîtres. Cette histoire déjà longue compte bien des crises, bien des péripéties qui ne paraissent pas devoir être les dernières, et chaque année, à mesure que le temps passe, à cette heure où se ravive le sentiment de la rapidité des choses, où tout semble recommencer, on se reprend à s’interroger, a jeter un regard en arrière. On cherche curieusement, quelquefois tristement, à travers ces évolutions et ces conflits où tous les intérêts nationaux sont en jeu, ce qui a été fait pour la France, pour le bien et l’honneur du pays, ce qui reste sérieusement de ce passé d’hier. On se demande aussi, puisque depuis quelques années il